Théâtre
“Les trois brigands”: poésie visuelle pour jeune public… et au-delà

“Les trois brigands”: poésie visuelle pour jeune public… et au-delà

13 December 2017 | PAR Mathieu Dochtermann

Angélique Friant, directrice artistique et metteur en scène au sein de la compagnie Succursale 101, présente ce mois-ci sa relecture, fidèle mais portée à la scène, du classique de la littérature jeunesse que constitue Les Trois Brigands de Tomi Ungerer. Le résultat est visuellement captivant, avec une esthétique qui colle de près à l’oeuvre dessinée. En renfort, une histoire légèrement réécrite et une mise en musique soignée. A découvrir au Théâtre Paris-Villette à partir du 15 décembre!

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Après avoir adapté Andersen et son Vilain Petit Canard dans Couac, Angélique Friant continue d’explorer la marionnette jeune public avec cette histoire revisitée des Trois Brigands. Quand on dit marionnette, il faut s’entendre sur le fait que des techniques marionnettiques sont employées, mais en réalité les quatre personnages principaux sont incarnés au plateau par des comédiens.

L’histoire est bien connue, le livre de Tomi Ungerer ayant eu le succès que l’on sait: trois bandits de grand chemin détroussent un attelage dans lequel ne se trouve, en fait, qu’une petite orpheline. Ils la recueillent, et elle bouleverse leurs habitudes en les amenant à passer du statut de brigands à celui de protecteurs des orphelins. Pour cette transposition à la scène, l’angle d’attaque a été modifié, et le spectacle propose en réalité un voyage dans les souvenirs de Tiffany, la petite fille devenue grande. C’est une histoire simple et aisément lisible, même par des enfants, qui est donc proposée, qui ne fait d’ailleurs pas l’impasse sur certains aspects dérangeants de l’oeuvre d’origine, comme la tendance légèrement totalitaire du village bâti pour les enfants recueillis – un peu comme le village des Schtroumpfs.

Ce qui est le plus frappant, dans le spectacle, est le soin extrême apporté à l’aspect visuel, et à la restitution d’une ambiance en termes de formes, de couleurs, de proportions. On n’aurait pas cru possible de respecter autant l’oeuvre graphique; et pourtant! Le tour de force passe par de nombreuses astuces, comme faire porter des combinaisons zentai bleues aux comédiens, par des fonds de couleur et un éclairage particulièrement bien pensé, très découpé, qui joue beaucoup avec le noir et avec les volumes. Le résultat est assez saisissant, et confère une atmosphère irréelle au spectacle, tout en ayant suffisamment de cohérence pour installer les codes d’un univers familier mais différent. L’accompagnement musical ne saute pas autant aux yeux – par définition – mais il est tout aussi soigné, et mérite d’être mentionné. L’usage d’instruments très sonores et très ronds, comme le tuba, convient très bien aux trois brigands qui brandissent leurs armes effrayantes.

Au plan technique, c’est à un savant mélange que l’on assiste. En plus du jeu de comédiens, diverses séquences vidéos, très bien intégrées à l’ensemble, donnent à voir certains épisodes de l’histoire, notamment – mais pas exclusivement – des scènes d’extérieur. Surtout, Angélique Friant joue constamment sur les échelles, dans un spectacle conçu presque comme un film de cinéma: qu’elle place des villes miniatures sur le plateau, ou qu’elle ait recours à des techniques marionnettiques comme la kokoshka, qui permet d’intégrer le visage de la comédienne jouant Tiffany au-dessus d’un corps-marionnette de petite fille. La scénographie astucieuse, qui découpe l’espace en plans, contribue à permettre ces effets de zoom, et facilite les entrées/sorties.

Au final, ce sont les images brutes qui impressionnent le plus, et restent le plus longtemps. Particulièrement, pour nous, la scène d’exposition, où les trois brigands, figurés par leurs seuls chapeaux, démesurés, posés sur scène, s’animent lentement et finissent par danser, comme de grandes cloches bleues qui sonneraient en silence.

Un spectacle abordable par les petits mais certes pas dénué de poésie, que les parisiens peuvent découvrir à partir du 15 décembre au Théâtre Paris-Villette.

Mise en scène Angélique Friant Assistée de Marie Vivier et Jade Collet
Scénographie Sarah Grandjean
Création musicale et sonore Uriel Barthélémi
Musiciens Michel Godard et Pierre Lainé
Régie générale Nicolas Poix
Construction Rémi Lhermenot assisté de Yoann Moyeuvre et l’équipe du Jardin Parallèle
Costumes Jennifer Minard
Création chapeaux Sara Tintinger
Avec Chiara Collet, Frédéric Jeannot et Audrey Dugué
Remerciements à Nadine Lapuyade, David Girondin Moab et Cyril Noël.

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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