
Le Vaudou à Strasbourg : pour en finir avec les poupées
Marc Arbogast, ancien homme d’affaires, expose à Strasbourg une partie de sa collection d’objets issus des cultes vaudous d’Afrique dans un musée permanent, ouvert avec ses fonds. Le but de son initiative : enseigner aux visiteurs les véritables fonctions de ces fétiches, statuettes et autres autels.
C’est une première en Europe : à Strasbourg, dans un ancien château d’eau du quartier de Koenigshoffen, s’ouvre cette semaine un musée du vaudou -ou « vodou », si l’on remonte à l’origine du mot. « Pas de poupées à épingles ici » nous promet son fondateur, Marc Arbogast, ancien pdg des brasseries Fischer et Adelshoffen, qui possède une collection de 1060 pièces toutes issues des cultes vaudous d’Afrique, principalement récupérées au Togo, au Bénin, au Ghana et au Nigéria. Dans cette structure, 220 pièces vont être exposées : des fétiches, servant à la réalisation de vœux, des statuettes représentant des dieux, des autels portatifs, des costumes destinés aux revenants, qui les revêtent pour danser, ainsi que six « têtes » de « bokonos » -les devins vaudous, dont les crânes étaient conservés et ornés au fil des hommages.
Le culte vaudou –né dans le Sud du Bénin actuel, où se trouvait l’ancien royaume du Dahomey, puis arrivé, du fait de l’esclavage, dans les Caraïbes, puis en Louisiane– a souvent mauvaise presse, du fait de cette importance accordée au respect des ancêtres, qui se manifestent de façon régulière auprès des vivants. Les deux univers aiment à communiquer par l’intermédiaire de certains fétiches, auxquels sont faits des offrandes et des sacrifices d’animaux. Les disparus sont encore là, et les fétiches vivent. Le cinéma de Hollywood, notamment, a fait de ce culte un objet de crainte, qui, en même temps, fascine quelque peu : la Nouvelle-Orléans, le Mississippi, les bayous, la magie noire… Le fondateur du musée désire éclairer cette fascination et chasser les mauvaises ombres : il remonte jusqu’au vaudou africain, qu’il aborde en tant que croyance. Nanette Jacomijn Snoep, conservatrice au musée du Quai Branly, souligne, lorsqu’elle est interviewée par France 3, qu’il s’agit là d’une « religion vivante », pratiquée encore aujourd’hui par des centaines de millions de personnes, en Afrique de l’Ouest, dans les Antilles et même aux Etats-Unis.
Prendre le vaudou africain comme une religion amène, selon Marc Arbogast, à comprendre véritablement à quoi servent les objets exposés. Ceux-ci ont pour constituants les matériaux les plus divers : bois, clous, tissus, ossements d’animaux, ossements humains, et même sang et crachat. Leur but est de contenir de l’énergie vitale. Ainsi, ils pourront par la suite « servir » aux vivants : ce sont des objets qui « servent tout le temps » confie le fondateur, interviewé par la chaîne de l’Agence française de presse. D’autre part, une fois compris, ils acquièrent une valeur esthétique digne de celle d’une œuvre d’art contemporain : « leur laideur est extrêmement belle » ajoute Marc Arbogast.
Pour le moment, le musée reste totalement ouvert au public le vendredi et le samedi. Le reste de la semaine, il peut se visiter sur rendez-vous. Peut-être pourra-t-il bientôt obtenir des subventions. En attendant, rendez-vous à Strasbourg pour découvrir ces objets, dont certains, aux dires du fondateur, auraient encore des pouvoirs… Faut-il y croire ? Pour commencer, regardons-les.
Visuel : © couverture du livre Vodou Voodoo, sous la direction de Nanette Jacomijn Snoep et Bernard Müller