
Israel Galván renvoie Le Sacre dans ses cordes
Le roi Galván est depuis 2016 un roi blessé. Et dans ses failles, le tempo est plus juste et plus profond que jamais. La Consagración de la primavera, ce spectacle pour un danseur et deux pianistes, se donne jusqu’au 15 janvier au Théâtre de la ville
Un piano semble avoir deux têtes. Très vite Israel apparaît comme il sait apparaître. Dans un cercueil (La Edad de Oro ), à genoux (La Fiesta) , entouré de chats (Gatomaquia )…Cette fois-ci, il est vraiment dans les cordes, celles de la queue d’un piano posée à la verticale.
Il avance sur “Conspiración”, une partition autant aride qu’organique. Comme à son habitude, il fait son de tout bois et fait grincer et crisser tout ce que l’instrument ainsi découvert permet. La musique est absolument contemporaine, elle est au bord du jazz. Dans leurs touchers les deux musiciens, Sylvie Courvoisier et Cory Smythe, et plus particulièrement elle, font eux aussi corps avec leur instrument. Dans la dernière partie, “Spectro”, celle qui leur offrira le plus de place sera l’occasion de voir que tout comme Galván peut danser les poings au sol, le piano peut se jouer avec les coudes.
Alors on le sait, ce qui fascine Israel est ce qui sonne juste et il s’amuse énormément de ce que différentes tessitures offrent comme pluralité de sensations. Sa danse est nichée très bas, et son flamenco vient tout un temps annuler les bras. Des jambes rien que des jambes pour lui qui a failli ne plus jamais danser. Le tibia droit est ourlé de rouge et de strap, pour rappel et pour sécurité. On y verra surtout une renaissance. Car La Consagración de la primavera porte en son cœur une version du Sacre du printemps. Comment le dire autrement. Ce morceau est celui qui a été le plus dansé. On pense Bejart et Pina mais tous, tous ont tenté un Sacre. Pourquoi ? Dominique Brun l’a très bien montré : en 1913, cette musique devient le décor de la naissance de la danse contemporaine. Stravinski a composé un rythme qui se détache, tellurique puis aérien, parfois slave. Castellucci avait traduit de façon grandiose Le Sacre en résurrection, Galván choisit d’ajouter à cette réduction pour piano des percussions, qui sont ses compás.
C’est à se damner de beauté. Au sol il y a comme des gammes, faites de différentes planches, en bois ou en métal, en billes, en sable… Il glisse, saute, s’enroule dans son costume qui se transforme et, dans une forme de pantomime, main à plat contre la joue, il raconte le Sacre. La joie, le drame, le renouveau, et le tout qui recommence. Galván est ici au sommet, puissant et élégant. Il frappe fort, offre des angles qui contraignent la danse. Dans cette pièce à la cohérence parfaite, le Sacre est entouré de deux extrémités qui permettent de faire entendre de la musique contemporaine par le flamenco. Une fois de plus Israel croise les mondes, pour le meilleur.
Visuel : ©Jean Louis Duzert
Jusqu’au 15 janvier au Théâtre de la Ville- Salle le 13eme Art, Centre commercial Italie – 2, Place d’Italie 75013 Paris, France. Accès par la ligne 7 ( jusqu’à 19H30) Place d’Italie ou la la ligne 14, Olympiades à 15 minutes de marche.