
“Tout Dostoïevski”, le spectacle vraiment fou d’Emmanuel Vérité et Benoit Lambert
L’un est Charlie, et dans la vie il est artiste associé au Théâtre de Dijon que dirige l’autre. Vous vous amuserez à chercher qui est qui ! Au Théâtre de la Cité internationale, jusqu’au 19, ce qu’on trouve en revanche c’est un hommage bien foutraque à l’auteur de Crime et Châtiment.
Seul en scène, Emmanuel Vérité, Charlie donc, veut nous faire peur, bien planqué dans le noir. Il convoque la maladie et le malheur. Tout paraît normal, vu qu’il est question du papa des Frères Karamazov. Chez le maître russe, on se marre peu, on souffre, on paie, on trinque. Mais dans la pièce de Benoît Lambert, il n’est pas question de se faire mal, au contraire !
Alors, quel est le sujet ? A l’invitation du directeur du théâtre, le colossal Marc Le Glatin, Benoît Lambert et Emmanuel Verité sont invités à reprendre leur contribution à Fiodor. A partir de là, plus rien ne sera normal, puisque la demande restera veine. Tout Dostoïevski. Mais “Tout” est un impossible. C’est Jacques Lacan qui l’a écrit : « pas-tout ». Impossible ! Encore plus en une heure et quelques minutes de spectacle. Donc ?
Donc, Emmanuel Vérité, pardon, Charlie, se transforme, voix, corps, posture, en personnages : l’auteur, ses héros et quelques autres invités issus d’un monde juste englouti. La pièce regarde dans le rétro et fait sourire, puis rire franchement. Le comédien caméléon est une éponge. Il sent que le public a chaud, il improvise et ouvre une fenêtre. L’un tousse, il lui file un bonbon. Entre réflexions sur l’inspecteur Colombo et le Noël orthodoxe, on en apprend des tonnes sur ces livres que l’on a jamais réussi à finir.
Au bord du stand-up littéraire, Charlie, chemise hawaïenne et très gros micro cravate, nous trouve et nous trouble. Au-delà du jeu explosif il y a le cœur “tendre”, comme dans la chanson de Gainsbourg qui bat dans la poitrine d’Emmanuel Vérité ou de Charlie, on ne sait plus. Entre les deux mondes, celui du théâtre et celui des livres (que lui a lus !) il y a une tendresse infinie pour les gens qui se détachent d’eux-mêmes. Dans ce spectacle, vous porterez un toast à ceux qui ont perdu leur tête et vous recevrez d’étranges cadeaux.
Il y a de l´exhaustivité dans cette pièce. Elle ne se trouve pas dans une lecture infinie et insupportable mais dans le supplément d’âme d’Emmanuel Vérité ou de Charlie, on se sait plus. Ce que l’on sait c’est qu’on est bien chez lui, avec son lampadaire d’un autre temps, ses jouets et sa petite table.
Et demain, samedi, Charlie vous invite à un Karaoké au bar du Théâtre. Ça peut être drôle.
Tout Dostoïevski, jusqu’au 19 avril au Théâtre de la Cité internationale.
Visuel © Gilles Vidal