Théâtre
Six personnages en quête d’auteur : les fantômes et les hommes incarnés par Demarcy-Mota

Six personnages en quête d’auteur : les fantômes et les hommes incarnés par Demarcy-Mota

15 January 2015 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Elle aura bientôt 100 ans cette pièce. Et depuis bientôt 100 ans, le théâtre se pose la même question : qu’est- ce que jouer sérieusement ? Mais sept jours après l’attentat qui a ouvert une semaine sanglante, Six personnages en quête d’auteur, de Pirandello, mis en scène par Emmanuel Dermarcy Mota devient une réflexion éthique.

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Si il y a  bien un théâtre où depuis longtemps le quatrième mur est tombé, c’est bien ici au Théâtre de la Ville. On l’aura vu occupé par des fanatiques chrétiens lors de la représentation de Sul concetto di volto nel figlio di dio de Castellucci. On l’aura vu pris d’assaut par les intermittents cet été. Hier, la salle était Charlie. Les spectateurs chanceux tenaient dans leurs mains le journal, cadeau fait par le théâtre, dont le directeur, Emmanuel Demarcy-Mota a rappelé à quel point c’était là le lieu de la liberté. C’est également lui qui a mis en scène cette adaptation de ce chef d’oeuvre.
Quelle idée folle que cette idée là : Une troupe s’agite avant de commencer la répétition du deuxième acte de Jeux de rôle quand un groupe de six personnes, irréels, fantomatiques, entrent sur le plateau. Ils sont personnages et cherchent à jouer. Ils ne sont pas acteurs, ils ne sont pas même humains.

Le plateau du Théâtre de la ville est ici merveilleusement utilisé dans un ballet d’ombres et de lumières qui fait descendre des cintres au besoin quelques arbres et s’offrent des baissers de rideaux spectaculairse. “Effet garantit” vous dirait le directeur (Alain Libolt). Le rapport entre la fiction et la réalité est ici le centre d’une chorégraphie à quinze voix. Qui joue ? Qui ne sort jamais de son rôle”. On entend Hugues Quester dans le rôle du Père dire “Nous sommes le drame”.
Le drame. Ici, les mots prennent une rondeur actuelle. On entend :

“Lorsque quelqu’un a la chance d’être né personnage vivant, ce quelqu’un peut se moquer même de la mort. Il ne mourra jamais ! L’homme, l’écrivain, instrument de sa création, mourra, mais sa créature ne mourra jamais ! “. Notre esprit s’égare amène le Grand Duduche sur la scène. C’est cela aussi que propose Six personnages : la liberté d’être et d’imaginer. Le trouble est semé, comme dans un tour de magie. Les vivants et les morts se confondent, le vrai devient le faux.
Le jeu est absolument parfait, en pivot autour du rôle de la Belle-fille (Valérie Dashwood), femme fatale, femme souillée qui verra le pire arriver. Dans sa direction d’acteurs époustouflante, Demarcy-Mota s’amuse à jouer emphatique, ce sont des personnages de théâââtre, des idées éternelles. Ils sont des émotions plus que des comédiens. On croise la douleur portée par la Mère (Sarah Karbasnikoff), l’innocence de la petite fille, l’insolence du fils (Stéphane Krähenbühl), le trouble du père (Hugues Quester), la folie de Madame Pace (Céline Carrère). Ils résonnent en nous et en chacun des comédiens.

Dans le contexte, la question soulevée est celle de la survie de l’acte sur l’acteur. Et la réponse donnée par le vivant est ici admirable.  Créer en croire, aimer passionnément le doute que provoque l’illusion et s’inventer sa propre fin.

La liberté est ici chérie et le Théâtre de la Ville est Charlie.

Visuel : ©Jl Fernandez

Infos pratiques

Centre Pierre Cardinal (festival Les Musicales)
Le Théâtre de l’Athénée
Marie Boëda

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