Théâtre
“Nous campons sur les rives”, le talent de Mathieu Riboulet sublimé par Hubert Colas

“Nous campons sur les rives”, le talent de Mathieu Riboulet sublimé par Hubert Colas

24 January 2020 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Aux Amandiers, Hubert Colas met en scène jusqu’au 26 janvier puis du 6 au 9 février deux textes de Mathieu Riboulet dans une direction d’acteurs et une scénographie à couper le souffle.

 

Dans la salle du Planétarium, la jauge est petite, 200 places à tout casser. Sous la coupole blanche, l’attente est rapidement mystique. Le précipité de lumière est excessivement lent et pourtant, personne ne bouge. L’attente est là, belle et intense. Le noir se fait, profond avant que s’avance, dans la posture du fantôme, l’immense Frédéric Leidgens ( Nordey, Gosselin..). Il dit Nous campons sur les rives qui est un texte commandé par l’historien Patrick Boucheron pour le Banquet du livre à Lagrasse en 2017.  Il est question d’ici, de présent et de l’immense énigme d’être au monde. L’écriture est directe et elle est même temps très philosophique. L’existentialisme de Sartre résonne dans la lumière, ou plutôt dans la pénombre qui deviendra lumière sans évidence, sans voir les transitions, c’est impalpable. Colas a cet art de faire entendre un texte par la lumière, c’était le cas dans Kolik ou Mon Képi Blanc. Il peut happer une attention par une mutation du regard. 

“Nous ne saurions être partout sans perdre la tête”. “Passé le pont, les fantômes vinrent à ma rencontre”. Dans ce monologue, Leidgens déploie toute l’intensité d’une lucidité. La mort ne fait pas peur, elle est ici, avec sa cohorte de spectres enveloppante. 

Une fois la question politique de l’existence et du temps passé exploré, Colas zappe.Il nous fait changer de temporalité et de rythme. Par une idée forte de direction d’acteur, Thierry Raynaud entre en scène et vient bouffer le texte de “Dimanche à Cologne” extrait de Lisières du corps (2015). Le comédien est comme à son habitude un monstre de plateau qui nous capture. Il nous parle de “l’Europe de la baise”, plus précisément des saunas gays dont certains sont des petites mégapoles très organisées. La langue est précise et crue, les détails ciselés. Et plus on avance vers ce qui pourrait être sordide, animal, plus on entre dans la beauté la plus pure, celle du désir sans autre raison que celle d’être.  Le jeu du comédien est drôle, sexy et sombre. C’est dans le sordide d’un lieu entièrement dédié au cul que peut apparaitre le messie. Et dans la lumière devenue rouge, on se met vraiment à y croire.

Mais quel choc. Ce double jeu, ce pas de deux, ce miroir à la fois politique et sensuel. Et quelle erreur surtout de ne pas faire entendre plus souvent les mots prophétiques de Riboulet, mort en 2018, à 58 ans.

A voir absolument, il reste de la place.  Le spectacle se joue en deux sessions : du 23 au 26 janvier, puis du 6 au 9 février : jeudi et vendredi à 20h, samedi et dimanche à 18h Au Théâtre Nanterre Amandiers. 

 

Visuels ©Hervé Bellamy

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