Le beau cadeau d’Alexis Michalik au Théâtre 13
Le jeune metteur en scène quitte, avec Intra muros, le registre des grandes fresques historiques. Une entrée réussie dans le champ de l’histoire contemporaine.
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Dans une autre vie, Alexis Michalik aurait pu emprunter à un personnage baudelairien ses traits puisque tout ce qu’il touche – et la boue n’y échapperait pas – se transforme inéluctablement en or. Le porteur d’histoire, Le cercle des illusionnistes, Edmond, on ne compte plus les succès remportés, haut les battements de mains, par Michalik. Aussi, lorsque nous avons appris de la bouche même de la directrice du Théâtre 13, que le jeune prodige des planches s’emparer d’un sujet aussi brûlant que celui des prisons, on s’est demandé comment Michalik allait cette fois-ci s’y prendre.
Ce qui a fait, depuis des années, la marque de fabrique des pièces de Michalik n’a pas disparu. Comme toujours, les histoires s’emboîtent telles des poupées russes. Mise en abîme du théâtre dans l’univers carcéral, Intra muros explore les parcours de vies toutes plus brisées les unes que les autres : brisés la carrière et le couple de ce metteur en scène réduit à donner des cours pour arrondir ses fins de mois; brisés le rêve d’ascension sociale de Kévin, ce jeune chien fou de détenu et le cœur de son ami Ange, la cinquantaine mutique ; brisé, enfin, l’arbre généalogique de cette jeune assistante sociale qui croyait, jusqu’à peu, son père mort dans un accident de voiture. Comme toujours, également, le décor se veut minimaliste : quelques chaises, un lit sur roulettes, des portants en fer pour permettre aux comédiens de changer en un tour de main de décor ou de personnages.
Les rabat-joies trouveront sans doute qu’Intra muros n’a pas le charme des feuilletons à la Dumas des pièces précédentes. Et pourtant, même les ours les plus mal léchés seront contraints de reconnaître que, malgré tout, le charme opère. L’histoire qui nous est contée – et que l’on ne voudrait pour rien au monde “teaser” – n’a de cesse de happer et de fasciner un spectateur tenu en haleine par les multiples fils de cette bobine défaite, à un rythme d’enfer, devant ses yeux. Humour, poésie, suspense, tous les ingrédients sont réunis pour concocter ce théâtre de l’émotion qu’aime par-dessus tout Colette Nucci, la directrice du Théâtre 13. Celle-ci aurait donc difficilement pu rêver mieux comme pièce de réouverture du Théâtre 13/Jardin, une salle dédiée aux formes plus populaires du théâtre. Peut-être aurions-nous aimé voir ce théâtre plus engagé. Le théâtre, même populaire, n’interdit pas de se confronter plus directement aux enjeux soulevés par un monde aussi controversé que celui de l’univers carcéral. Intra muros ne refuse pas pour autant l’affrontement puisque le quatrième mur ne se veut pas un mur de protection contre les soubresauts et les tensions du monde extérieur mais entrouvre bien plutôt un chemin de traverse. Passeur d’histoires devant l’éternel, Michalik façonne des spectacles qui sont autant de machines de traduction de la réalité en rêves, de convertisseurs qui permettent de rendre les songes réels.
Visuel : Alejandro Guerrero
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One thought on “Le beau cadeau d’Alexis Michalik au Théâtre 13”
Commentaire(s)
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ROURE
Oui Alejandrao, vous avez raison, lexis Michalik a le don de vous emmener dans ses histoires et de ne plus vous lâcher jusqu’à la fin, quelque soit le sujet.
La prison n’était certes pas le plus évident, et pourtant, quelle merveille. drôle et touchant à la fois, on ne peut pas s’empêcher de s’identifier à ces personnages qui comme nous sont pleins de contradictions.
L’écriture est fluide, les acteurs qui jouent chacun plusieurs rôles sont exceptionnels, le rythme, l’éclairage, la musique, tout concourt à faire de ce nouvel opus un énorme succès en puissance. Le public de la première ne s’y est pas trompé. Tonnerre d’applaudissement, ô combien mérité.