
Laurent Gutmann propose une formation de “Prince” au Théâtre Paris Villette
“On est en retard” ? Pas vraiment, 10 minutes peut-être et après tout l’exactitude est la politesse des rois dixit Louis XVIII, non ? N’empêche, Nicolas Machiavel est sur scène, pas encore en costume. Il est à la bourre, depuis 500 ans, il rabâche une leçon de com’ politique de haute volée. Version 2014, on rit jaune face à l’actualité forcement machiavélique.
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Le carrosse est une demi-voiture et la couronne est en carton. Les chaises se plient, les lustres sont des plafonniers scolaires et le café se boit dans des gobelets jetables. La royauté ce n’est plus ce que c’était, il faut bosser. Pour y arriver, Remi, Max et Myriam vont suivre une formation composée de briefs, d’ateliers et de débriefs, chapeautée par Karine, l’Iznogoud de Nicolas M. Tous doivent apprendre à voler et à garder le pouvoir avec talent, car le public, pardon, le peuple est là présent, prêt à manifester et à accepter le retour d’un prince honni s’il le faut.
La farce prend rapidement, portée par une belle direction de bons acteurs. On retrouve Shady Nafar formée en danse par Gallota, Cyril Dubreuil, diplômé du Conservatoire, Thomas Blanchard, pensionnaire du Français, en petit nerveux en costard, Maud Le Grévellec, passée par le TNS qui saura user de ses charmes sans jamais lâcher son sac, et en homme des bois, le luxembourgeois Pitt Simon. Le metteur en scène de Pornographie dirige ici au cordeau en sachant amener le rythme nécessaire à sa pièce qui pourrait pécher par une très belle idée qui ronronne. Ici, il sait sortir de la comédie qui voit ce texte du XVIe siècle raisonner mot pour mot avec la relation qu’une démocratie a au pouvoir par des trouvailles scéniques opportunes. Un bal lubrique, une mise au rébus, l’apprentissage du chant “Tu dormi”, un madrigal du début XVI nous emportent et nous remettent dans le programme de formation très sérieux.
Présenté au TPV qui dans sa nouvelle mission s’adresse au jeune et au tout public, le spectacle séduira dès 11 ans. Le texte de Machiavel, hymne d’hypocrisie, de magouille et de tactique est confronté aux exercices, formulés dans la langue d’aujourd’hui dans une fusion d’esprit totale. “C’est pas facile d’être président” entendions -nous récemment, et cela est vrai. D’ailleurs, la meilleure question du spectacle est posée par Myriam qui en répondant à un Quizz a gagné sa couronne (et une arme en plastique) :
-Que dois je faire ? et de s’entendre répondre
-Gouverner.
Visuel : ©Pierre Grosbois