Théâtre
La déflagration des mots de Laurène Marx au Festival Zoom du Théâtre Ouvert

La déflagration des mots de Laurène Marx au Festival Zoom du Théâtre Ouvert

01 June 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Jusqu’au 16 juin, Le Théâtre Ouvert zoome sur les écritures contemporaines. Hier soir, l’autrice Laurène Marx dévoilait une mise en espace très aboutie de son texte Je vis dans une maison qui n’existe pas. Un choc.

“Intime, trop intime ?”

Nous avons beau savoir qu’il ne s’agit “que” d’une mise en espace, la sensation d’être face à un spectacle tellement abouti nous scotche. Ce que livre Laurène Marx, ce sont ses tripes, son âme de façon assez fictionnalisée pour que le récit nous enveloppe, nous entraine, nous fasse même sourire parfois. Le plateau est nu, mais pas complètement. Héritière de Peter Brook et d’Angelica Liddel, elle convoque la colère dans le vide pour le remplir d’images.

“Son maquillage coule sur le monde”

C’est l’histoire de Nikki, elle n’est plus une enfant, elle est folle, elle le dit. Dans sa maison qui n’existe pas, un monde s’agite. Il y a Madame Monstre très présente, des Tout-Petits qui se cachent, et Nuage, le nuage qui cache la lumière. Nikki est très en colère, elle a perdu son calme, et pourtant, sa voix, elle, est douce et calme. Laurène Marx, seule en scène, le front barré du A de l’anarchisme, l’allure rock et les bijoux qui tintent, nous tient comme en suspension. Elle se pose en bord de scène, assise, et parle d’elle, enfin, de Nikki.

“La poésie ne sera jamais la vie, ça me tue”

“C’est une histoire de solitude” dit-elle à plusieurs reprises, et cependant on a envie de lui hurler qu’elle n’est pas seule et qu’elle se trompe, que, oui, le théâtre et la poésie, c’est la vie et mieux encore, cela peut sauver des vies. Dans sa limpide direction d’actrice, Fanny Sintès glisse au coin de la bouche de Laurène un léger tic, la fait danser aussi de façon magistrale. Il n’y a rien, dans la manière de dire ce texte, qui soit laissé au hasard. On sent un travail immense de précision. Laurène Marx, en parlant de “son” endroit, de qui elle est, rend cette histoire, son histoire totalement personnelle pour chacun. Tous et toutes ressentent l’écho. La colère, les changements, la famille, la médecine… Quel que soit le chemin de chacun, le texte vous attrape au lasso.

“Il n’y a pas la lumière au bout du tunnel, il y a la rue”

Le décalage entre la violence inouïe de ce qu’elle charrie et la douceur de la voix devient une alliance. Nikki sait qu’elle souffre de troubles dissociatifs de la personnalité. Elle sait aussi que cela fait d’elle qui elle est. Le texte, le jeu, la direction sont tous politiques et urgents. Je vis dans une maison qui n’existe pas rappelle un fait : la normalité est une construction et pourtant ce fait est sans cesse piétiné. Laurène Marx manifeste sans hausser le ton, de sa présence totale, contre “l’immense pression que subissent les gens qui ne sont pas conformes”.

Pour le moment, ce n’est pas encore un “vrai” spectacle ; enfin, sur ce point, nous ne sommes pas d’accord ! Mais, c’est aux artistes de dire et faire ! Nous surveillerons le jour où Je vis dans une maison qui n’existe pas sera achevé, et ce sera, comme le refrain de la chanson de Nils Rougé qui s’empare des corps de Laurène et Nikki : “trop cool” !

Tout le programme génial du Festival Zoom est ici

Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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