Théâtre
“Kyoto Forever 2”, pièce engagée intelligente qui n’écrase pas son sujet

“Kyoto Forever 2”, pièce engagée intelligente qui n’écrase pas son sujet

14 February 2019 | PAR Geoffrey Nabavian

Le spectacle de Frédéric Ferrer, destiné, entre autres, à faire beaucoup réfléchir, pose ses valises au Monfort. On apprécie sa forme ouverte et intelligente, qui invite chaque spectateur à être actif en pensée,  face à un sommet de l’ONU sur le climat reconstitué et théâtralisé.

Plus qu’une pièce directement engagée, Kyoto Forever 2 apparaît, une fois ses règles et parti-pris assimilés, comme une pièce de réflexion, destinée à toutes et à tous. Le spectacle figure, une heure quarante durant, un sommet de l’ONU traitant les questions écologiques liées au climat. Une dizaine de personnages mandatés par leurs pays (ou par des ensembles de pays) y participent. Un accord doit être trouvé, avant la “COP 28” de Shanghai – l’action prenant place dans un futur très, très proche. Et le sommet se déroule à l’île Maurice, que les eaux montantes guettent, à terme… Créé en 2015, à l’occasion de la COP 21 tenue à Paris, ce spectacle a connu un grand nombre de dates en tournée et un passage à la Maison des Métallos dans la capitale, entre autres.

Le moins que l’on puisse dire est que sa matière est dense : le texte déroulé lors des scènes apparaît très technique, réaliste, quasi réel et comme tiré de vrais débats. Une foule de chiffres, de pourcentages et d’observations sont donnés à entendre (on aimerait juste d’autant plus que la feuille de salle ou l’un des écrans surmontant la scène précisent si toutes ces données – ou estimations pour le futur – sont réelles, tirées de sources vraies, l’illusion théâtrale faisant également son travail). La part documentaire de ce spectacle conçu par Frédéric Ferrer (qui dirigea Les Anciennes Cuisines, lieu artistique implanté dans un ancien hôpital psy, à Ville-Evrard) est en tout cas au centre de l’action. Et ce parti-pris apparaît convaincant : la pièce demande au spectateur d’être actif, et de s’impliquer, pour tout saisir, et s’alarmer ou sortir grandi au final.

Encore une fois, on aimerait connaître l’origine des chiffres utilisés, alors qu’on est occupés à les visualiser mentalement et à les comprendre (même si on ne doute pas que les choix faits par la compagnie théâtrale quant à ces données soient raisonnés). Et on pourrait aussi affirmer qu’il vaut mieux être dans une bonne forme d’écoute pour voir le spectacle, mais on n’en a en fait pas très envie : cette pièce est intelligente, et fait confiance à l’appréciation de chaque membre du public.

Le spectacle apparaît, aussi, conçu avec finesse : les situations peintes y sont théâtralisées avec une manière qui évite la caricature. Elles prennent en effet appui sur un socle réaliste : les personnages débattent d’un fait, d’une donnée ou d’un mot de leur texte écrit pour l’accord, et leurs réactions sont tout à coup tirées vers un ton burlesque discret. A ce titre, les interprètes – aux origines toutes différentes – impressionnent de par la partition qu’ils recrachent, émaillée de dizaine de chiffres et de termes techniques. Tous jouent de façon vive et empressée, mais c’est une urgence très humaine que l’on ressent. Et le public rit beaucoup.

On retient au final du spectacle sa capacité à empoigner un sujet engagé sans caricature et sans partialité. Et si l’on garde l’envie de connaître la provenance des chiffres ou des estimations données (afin de goûter d’autant plus la performance des interprètes, et notre propre participation à la réflexion collective), on salue l’intelligence de cette proposition, qui se laisse entièrement recevoir par l’appréciation de chacun.

Kyoto Forever 2 se joue au Monfort (Paris 15e) jusqu’au 23 février.

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Visuel : © Kyotoforever2_SamuelSerandour

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