Dispersion au Théâtre des Célestins
Après trois représentations à Versailles en novembre dernier, Dispersion de Harold Pinter prend ses quartiers au Théâtre des Célestins de Lyon jusqu’au 24 mai. Toujours mis en scène et avec Gérard Desarthe, Carole Bouquet semble rester le grand atout de ce spectacle grâce à un jeu qui donne véritablement envie de la suivre dans cette dispersion et de s’y retrouver.
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La vidéo de présentation et le petit programme parlent tous les deux d’une dimension politique. On y retrouve d’ailleurs une citation d’Autres voix : Prose, Poésie, Politique 1948-1998 parlant de l’Allemagne nazie. La pièce qui se déroule sous nos yeux semble pourtant être avant tout une tragédie domestique, personnelle, intérieure : “[…] la femme, une silhouette perdue dans un paysage qui se noie, une femme incapable d’échapper au destin tragique qui semblait n’appartenir qu’aux autres. Mais comme les autres sont morts, elle doit mourir aussi”. C’est une tragédie intimiste, non historique, du moins est-ce ainsi que nous le ressentons dans ce décor totalement clos, sans porte apparente, aux murs blancs sur lesquels jouent la lumière pour faire évoluer les heures sans pour autant deviner combien de temps passe. Ce décor et la mise en scène relativement simples et sobres permettent alors aux mots et au silence de résonner pleinement et intelligemment. Le texte est ici au centre, mais est-il pour autant bien servi par les acteurs sur scène?
Mettre en scène tout en jouant soi-même est toujours délicat. Si l’on n’est que deux sur les planches, cela peut vite devenir périlleux… Ici, Gérard Desarthe, loin de couler son travail, ne lui permet pas pour autant d’atteindre une dimension marquante : pas sûr que sa voix soit bien entendue dans toute la salle, et certains mots sont parfois mangés. Le personnage paraît presque fantomatique par son manque de consistance, ce qui amène à s’interroger sur sa véritable existence : dans cette vision de l’oeuvre, n’est-il finalement qu’une projection de l’esprit de Rebecca?
Carole Bouquet, qui interprète cette dernière, est alors le véritable pilier du spectacle : c’est elle qui nous donne envie de comprendre cet incompréhensible puzzle qu’elle décrit, c’est elle que nous avons envie de suivre et de saisir, davantage encore que la pièce -mais peut-être est-ce parce qu’elle l’incarne alors ?- Le fond sonore que l’on entend tout au long de cette heure fait penser à une plongée puis à une remontée, mimant ce que nous vivons. A peine la surface atteinte, nous voyons cette femme redescendre dans des profondeur où nous ne voyons rien, et même si nous savons que nous nous y noierons, l’actrice donne envie de plonger avec elle. Dans ces ténèbres disparates d’une mémoire éclatée surgit parfois son sourire qui illumine véritablement la pièce -qu’il s’agisse du lieu ou de l’oeuvre- avant que son visage ne se referme. Tout s’éteint alors et nous nous heurtons à nouveau à des choses indistinctes, des formes que nous ne parvenons pas à saisir. Des souvenirs, peut-être…
Carole Bouquet parvient ainsi à jouer entre le flou et le net, créant une véritable dispersion sans la violence d’un éclatement. La violence est pourtant là, dans les mots et dans leur projection qu’appuient la mise en scène sobre de Gérard Desarthe, dont le jeu semble lui aussi peut-être trop sobre, flou, indécis, voire… “dispersé”?
©Dunnara Meas
Infos pratiques
2 thoughts on “Dispersion au Théâtre des Célestins”
Commentaire(s)
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temps
Bonjour,
L’article donne envie, je vais faire une petite recherche sur la disponibilité et le prix des places. Bien que je n’habite pas vraiment à coté
Cordialement
Elodie Martinez
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre commentaire. Je reviens d’une autre représentation et ça s’est amélioré depuis la Première! La pièce ne dure qu’une heure, cela peut peut-être vous rassurer quant à votre heure de retour chez vous… Et tous les fauteuils n’étaient pas pris ce soir, donc il doit encore rester quelques places d’ici la Dernière.
Bien cordialement,
E.Martinez