
« Deep Learning Amnésie Profonde »
Imaginée par Samuel Petit, cette dystopie voit le jour sous les meilleurs auspices du Théâtre de la Reine Blanche et du théâtre El Duende. Une pièce majeure.
Ma grand-mère s’est mise à parler en codé.
Samuel Petit raconte : Sa grand-mère a changé. Avec son Alzheimer avancé, elle s’est mise à parler comme un T9, ce langage parfois aberrant généré par la suggestion automatique de mots sur mon smartphone.
Dans ce doux murmure des récits de sa grand-mère, Samuel Petit a découvert l’idée d’un échange entre deux mondes séparés. Alors qu’une partie toujours plus nombreuse de l’humanité s’efface lentement dans l’oubli, une autre, obsédée par la profusion de données, s’acharne à nourrir des machines, à façonner des intelligences artificielles qui s’efforcent de comprendre et d’apprendre.
Deep learning amnésie profonde interroge ce paradoxe. La pièce imagine une danse étrange où un humain affaibli et un robot imparfait se rejoignent.
Une mise en scène astucieuse
Au sein d’une scénographie circulante et d’une mise en scène aux motifs réussis, ils sont là, deux silhouettes sur un banc, absorbés dans la quête de leurs souvenirs, à la recherche des fragments de leur propre identité. L’ombre d’Alzheimer s’est glissée trop tôt dans l’existence de Boris et Betty. Nous sommes les témoins, émerveillés et peinés, de leur quotidien au Centre de santé. Un jour, la cheffe de service leur présente une nouvelle compagne : Bina48, un robot imprégné d’intelligence et de sensibilité, chargé de millions de téraoctets de souvenirs humains.
Une rencontre est-elle possible entre ces humains qui oublient et cette machine qui apprend ?
Samuel Petit a choisi l’humour, et c’est par l’humour qu’il entre dans la dystopie. Il en aiguise la scène, il en cisèle les rythmes, il en bat la mesure. Il imprime à cette danse des hommes et des machines un tempo vif, précis, tranchant et joyeux. Et quelque chose surgit. Une lueur, un frémissement. Une relation. Une empathie??
Et le robot cherche. Marie Lévy formidable qui lui donne une âme. Voici qu’il veut comprendre. Il veut savoir. Il veut percer les mystères de la vie. Et plus il avance, plus il se heurte. À quoi ? À lui-même. À ce qu’il est. À ce qu’il n’est pas. Et bientôt, le voilà qu’il rêve. Un robot rêverait et il rêve de jardiner. Il rêve de terre sous les doigts, de saisons qui passent, d’attente et de récolte. Mais qui peut rêver de jardiner sans avoir à se nourrir. Or, sans corps, pas d’instinct ni de jardinage.
Et la pièce nous laisse là. À l’orée. Au seuil de ce devenir.
Elle nous donne à penser.
Deep Learning Amnésie Profonde
Durée du spectacle : 1h15
Tout public à partir de 12 ans
avec Rosalie Comby, Marie Levy, Thomas Mallen, Morgane Vallée et Simon Avérous
Texte et mise en scène : Samuel Petit
Collaboration artistique : Marie Levy
Composition et musique live : Simon Avérous
Scénographie : Mathilde Cordier
Création lumière : Paul Argis