
Avignon OFF 2019 : « Richard », le classique de Shakespeare revisité par le Collectif Les Impromptus
S’attaquer à un classique maintes fois revisité et porté sur scène n’est jamais une tâche aisée. Même si l’œuvre reste plaisante, le spectateur aime être surpris. Les compagnies qui osent s’emparer de l’œuvre de Shakespeare doivent donc faire preuve à la fois d’audace et d’inventivité pour se l’approprier. Un défi que le Collectif Les Impromptus a relevé haut la main, en adaptant Richard III, dans le cadre du festival off d’Avignon.
Toute la Culture : « Pourriez-vous nous résumer avec vos mots l’histoire de Richard III, écrite par Shakespeare ? »
William Franchi: « Le synopsis du Richard III de Shakespeare dénote par la simplicité de son intrigue : Deux familles. Une couronne. Un pays ravagé par la guerre civile en proie aux heures les plus sombres de son histoire. Un homme se dresse au-dessus de la foule et au plus bas de l’homme, Richard Duc de Gloucester, membre de la famille d’York et frère du roi Édouard. Au bout du chemin, le Saint Graal et le trône d’Angleterre. De meurtres en complots, de prophéties en perfidies, Richard va assouvir son immense soif de pouvoir, jonchant son ascension d’ignobles méfaits. Écrasé par la roue infernale du destin des rois, il ne saura échapper à son sort. Mais qu’en est-il de celui du monde ? Si la moralité n’est point de rigueur, la liberté est clé et le songe créateur. Libérons l’histoire de ce rêve, afin que celui-ci change l’Histoire du monde ! »
Toute la Culture : « Qu’est-ce qui vous a plu dans cette œuvre historique ? Qu’est-ce qui vous intéressait d’un point de vue théâtral ? »
William Franchi: « À travers un seul être, en l’occurrence Richard III, Shakespeare parvient à exprimer les difformités de ce monde. Il exagère celles-ci, afin de donner corps théâtralement, visuellement et métaphoriquement à la corruption de son esprit. L’étude approfondie de la structure rythmée de l’œuvre dans sa version originale permet à chacun de mes acteurs d’adopter un point de vue international et ouvert sur son propre jeu. C’est par le jeu du corps, du chant, de la danse et du masque que le personnage existe plus fortement et la touche burlesque apportée par les acteurs permet de mieux frapper l’épique. C’est le rythme effréné de l’intrigue, couplé à la dimension spirituelle de l’œuvre, qui me poussa à entreprendre cette mise en scène. »
Toute la Culture : « Les textes de Shakespeare ont maintes fois été joués au théâtre. Quels étaient donc pour vous les enjeux de l’adaptation ? En quoi se distingue-t-elle des autres ? »
William Franchi: « Cette adaptation se distingue de maintes façons. Tout d’abord, la traduction personnelle de l’écrit vient faciliter la compréhension globale de l’œuvre, ainsi que l’appropriation de sa langue si particulière. L’ajout d’un nouveau personnage, qui accompagne musicalement chaque acteur au piano et contextualise l’intrigue, renforce cette compréhension et sublime son phrasé. Afin de moderniser le texte de Shakespeare, tout en le respectant, il suffit de placer le corps singulier du jeune acteur dans un carcan classique et onirique. L’usage de la méthode anglaise et de l’acteur studio, pour aborder chaque rôle, pousse le comédien à redéfinir le personnage d’un point de vue plus contemporain. »
Toute la Culture : « Comment avez-vous pensé les décors et les costumes ? Avez-vous voulu reproduire fidèlement l’atmosphère d’une époque ou vous en éloigner ? »
William Franchi: « En Angleterre, le costume fait partie du personnage. J’ai donc laissé à l’acteur l’opportunité de fantasmer sur son propre costume. Il m’importait de relier la ligne vestimentaire par des pièces communes et symboliques, telles que la cape, le voile, le masque ou encore le chapelet. Ainsi, le style du personnage se perd entre les XVIIIeet XXesiècles. Quant au décor, nous avons entrepris de construire par nous-mêmes une structure imposante de 5,50 mètres de large pour 2,20 mètres de haut, qui s’articule à 360 degrés. Dénommée « La Pieuvre », celle dernière nous sert de véritable jouet scénique et sert, par exemple, à projeter des ombres chinoises. Pour couronner le tout, une épée de Damoclès est suspendue au plafond, symbolisant la menace constante de la mort. »
Toute la Culture : « Quels messages souhaitez-vous transmettre aux spectateurs ? Quelles émotions voulez-vous véhiculer ? »
William Franchi: « Et si la vie n’était qu’un rêve et la mort un réveil ? Jusqu’où la rêverie peut-elle consumer l’Homme ? Jusqu’où ce dernier va-t-il aspirer le rêve des siens ? Englouti par ses démons, noyé par le pouvoir, chaque personnage va succomber à ses pêchés, arborant le masque de sa propre perte. Le commencement et la fin de l’Homme sont inscrits dans ses propres rêves. De là, naît la boucle. Les émotions deviennent alors multiples : fascination, tendresse, effroi, émoi, rires, larmes… le spectateur est bousculé par le rythme effréné du corps en mouvement, l’impression laissée par des images fortes et la contemplation dévorante du monstre intérieur. »
Toute la Culture : « En quoi ce spectacle s’inscrit-il dans l’ADN du Collectif Les Impromptus ? »
William Franchi: « La fougue de la jeunesse englobe notre message : rameuter les foules autour de la poésie, du corps singulier, de la partition organique et généreuse. L’idée est simple : le Collectif désire emprunter le chemin de sa vérité pour mieux toucher le cœur des spectateurs. Remplacer le boulevard par l’épique, le creux et la vanité par la profondeur et le don. Ainsi notre jeune compagnie, empreinte d’une intarissable énergie, souligne son activité par l’échange et un désir insatiable d’apprentissage. Voilà notre credo : toucher le monde en étant honnête et juste, à la fois envers nous-mêmes et les autres, mais aussi et surtout envers notre prochain. »
Richard, d’après William Shakespeare, mis en scène par William Franchi, présenté dans le cadre du festival off d’Avignon, au Théâtre du Chapeau d’Ébène du 5 au 28 juillet 2019, à 20 h 30. Relâche les 10, 17 et 24 juillet 2019. Durée : 1 h 20.
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©Visuel : Affiche officielle.