Performance
“Holes &Hills” Les voix de Julia Perazzini aux Inaccoutumés

“Holes &Hills” Les voix de Julia Perazzini aux Inaccoutumés

27 November 2019 | PAR Amelie Blaustein Niddam

La Ménagerie de Verre est, deux fois par an, très ouverte au public avec en Automne, Les Inaccoutumés et au Printemps, l’Étrange Cargo. Deux temps qui font le point sur l’actuel de la performance.  Hier, la comédienne suisse a mis en son, en kitsch et en lumière la parole des femmes.

Sur scène, il y a des rochers qui pourraient servir de décor à des épisodes de Star Trek saison 1 (1966). Sur cette planète pensée par Christopher Füllemann, où il y a tout de même un arbre, une femme semble dormir, allongée sur l’un des magmas. Dans une forme de Jeopardy la pièce donne les réponses, sans les questions. Bientôt, elle sera assise devant nous, perruque blonde et body en velours sur un legging. L’image est clownesque, et le trouble s’installe. On rit beaucoup face à ce numéro d’imitatrice où la performeuse prend toutes les voix de cette galerie de personnages où l’on reconnaît notamment Dalida et Milla Jovovich.

Sur un modèle de short-cuts, elle accumule, sample et vocode à la façon d’un DJ. Elle insère des tonalités et travaille presque sans transition. Ce qui intéresse Julia Perazzani est très relié aux actions de l‘Encyclopédie de la Parole, ce mouvement créé par Joris Lacoste et Emmanuelle Lafon en 2007 qui rassemble toutes les paroles et tous les sons humains possibles. C’est d’ailleurs Emmanuelle Lafon qui apparaît au générique de Holes &Hills comme “regard extérieur”. Cela ne nous étonne pas.

En malaxant la parole comme elle le fait, elle signe un manifeste féministe très actuel où les femmes sont reléguées à leur intimité ou leur physique en interview. Elles apparaissent futiles et ahuries. Dans ce mash-up hors du temps,  les images fonctionnent.  La lumière est ancrée en 70, dans des oranges et des verts qui permettent dans un jeu d’ombres de démultiplier le corps de Julia, vaisseau de voix. Elle provoque des figures un peu étranges où elle convoque des identités plurielles : des mules de drag-queen et une coiffe en cotte de mailles. Autrement dit, ses chaussures portées par des hommes qui campent des femmes spectaculaires et un objet militaire portés par des hommes dans un autre jeu de travestissement.

Elle questionne ainsi avec une apparente légèreté les genres et les perceptions des corps sociaux.

Cette pièce a été jouée pour la première fois en 2016 à l’occasion du Festival Extra Ball, pourtant le nom de Julia Perazzini n’est pas encore aussi connu qu’il le devrait. Elle malaxe son égo comme de la pâte à modeler en portant ces voix connues et inconnues les rendant universelles. Sans dénoncer frontalement la posture des femmes dans leurs représentations filmées et audio, elle décrypte et attaque, avec un humour et une dextérité voraces. A suivre donc !

Visuel : ©JP Carousel

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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