Performance
Carolina Bianchi réveille la performance au Festival d’Avignon”

Carolina Bianchi réveille la performance au Festival d’Avignon”

11 July 2023 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Pour la toute première fois, le Festival d’Avignon invite la nouvelle figure de la performance européenne Carolina Bianchi. A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capítulo 1 da Trilogia Cadela Força marque surtout le retour du genre performatif, absent durant toute la dernière mandature. Un spectacle qui fera date grâce à sa fonction symbolique et pratique de réparation.

Au départ, Carolina Bianchi nous expose son projet. Elle nous annonce rapidement qu’elle va se droguer, avec un mélange de somnifère et de vodka. Cette mixture est nommée en français “la drogue du violeur” et en brésilien “a noiva e o boa noite cinderela”. Carolina Bianchi est toute vêtue de blanc, en hommage à la performeuse assassinée en 2008, Pippa Bacca, alors qu’elle traversait une partie du monde, de l’Italie à Jérusalem. Sa performance était de faire de l’auto-stop en robe de mariée. Un jour, elle montera dans une voiture et n’en descendra plus jamais. Carolina souhaite jouer pour elle. Mais, en réalité, en réactivant tous les codes de la performance d’art corporel dont Marina Abramovic est la papesse, elle retrace, avec ce spectacle, toute l’histoire de ce genre très important pour le spectacle vivant. Elle se drogue, s’endort et laisse ensuite son corps aux hordes noires venues envahir le plateau après l’avoir arrosé d’alcools dégueulasses. Larissa Ballarotti, Carolina Bianchi, Blackyva, José Artur Campos, Joana Ferraz, Fernanda Libman, Chico Lima, Rafael Limongelli, Marina Matheus vont faire ce qu’ils et elles veulent de ce corps devenu inerte. C’est insoutenable, et pourtant, il est impossible de ne pas regarder. Et pour cause, Carolina Bianchi dénonce la chasse des femmes, peinte par Boticcelli dans Nastagio degli Onesti, où l’on voit une femme poursuivie par un homme à qui elle avait dit non.

 

Et, comme toujours, quand une femme dit non, les choses virent au chaos. Les hommes ne le supportent pas. Dans le tableau, Botticceli envoie les chiens. Et, dans la réalité, cela arrive tous les jours. Carolina Bianchi raconte comment l’ancien gardien de l’équipe de Flamengo a assassiné sa petite amie, Eliza Samudio, âgée de 25 ans. Il a fait découper son corps en morceaux par ses hommes de main avant de le jeter aux chiens pour faire disparaître les preuves du crime. Un exemple parmi des milliers. L’un des autres apports majeurs de ce spectacle essentiel est de déconstruire le consensus autour du “care” à tout prix.

Elle impose un mantra assez addictif, “Fuck Catharsis”. Cette “punchline” revendique l’idée que tout n’est pas pardonnable et que, malheureusement, “se réveiller n’est pas forcément se souvenir”. Si Carolina dort, si sa voix est enregistrée, sa présence ne sommeille jamais. Nous avons envie de croire qu’elle le fait pour de vrai. Elle symbolise par cet acte le fait que le trauma, celui du viol, disparaît un temps de la mémoire des victimes. Il y a cette idée très forte dans la pièce de refuser d’accepter l’insupportable. Il est tout juste incroyable de voir comment cette performeuse réactive la force politique et sociétale de ce genre de spectacle. Le plus gros choc du Festival d’Avignon à ce jour, mais on écrit cela tous les jours depuis le 5 juillet, alors, à demain ! Jusqu’au 10 juillet. Puis du 31 janvier au 2 février 2024 au Maillon Théâtre de Strasbourg, Scène européenne.

Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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