Opéra
Macbeth ou la cupidité de la finance à Lyon

Macbeth ou la cupidité de la finance à Lyon

24 March 2018 | PAR Gilles Charlassier

Créée en octobre 2012, la production de Macbeth réglée par Ivo van Hove est reprise dans le cadre du mini-festival Verdi programmé par l’Opéra de Lyon, où l’on a pu également voir le Don Carlosde Christophe Honoré.

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Chez Ivo van Hove, point d’Ecosse gothique, château, sorcelleries ou forêt pour mettre en images l’ascension puis la chute de Macbeth, tyran sanguinaire que les prophéties ont rendu insatiable pour ne pas les faire mentir. Parce qu’aujourd’hui, le pouvoir n’est plus politique mais entre les mains de la finance, la scénographie de Jan Versweyveld replace le drame shakespearien dans l’univers impitoyable de Wall Street. Les sorcières deviennent alors des traders devant des postes informatiques affichant d’interminables variations boursières, sur un plateau transformé en open-space. C’est une ouverture stimulante, et on s’attend à retrouver la force iconoclaste de la production il y a six ans.
Mais rapidement, la vidéo de Tal Yarden se révèle envahissante, entre vue urbaine nocturne de Midtown vers le Chrysler Building et agrandissement en infrarouge sur le meurtre de Duncan ou celui de Banquo, dans un parking souterrain. D’autant que ce décor clinique peine à être animé par la direction d’acteurs, quasi inexistante pour les masses chorales, pourtant essentielles à la dynamique dramaturgique. Et pour avoir résonné avec une évidente acuité en 2012, la révolte finale version Occupy Wall Street met surtout en valeur aujourd’hui une mise en place sommaire – la faute à la reprise par un assistant ? – où Macbeth finit à la rue au milieu des manifestants, dans l’indifférence scénographique. Quant à l’envol de l’aigle qui conclut les projections, il rappelle de manière bien prévisible la rapacité des puissants. L’opportunisme de la lecture d’Ivo van Hove paraît désormais daté.
Dans le rôle-titre, Elchin Azizov résume avec efficacité la complexité du souverain assoiffé de pouvoir, torturé par le sang qu’il fait couler, même si la présence prend parfois le pas sur une voix assez monochrome. La Lady Macbeth de Susanne Branchini ne contredira pas ce tropisme théâtral, que Verdi lui-même n’aurait pas désavoué, dans une écriture difficile qui n’a cure de beau chant. La variété presque instable des registres de la soprano italienne éclaire avec intelligence les contradictions psychologiques de la reine, sans pour autant faire oublier ça et là quelques limites techniques. Roberto Scandiuzzi convainc davantage en Banquo qu’en Grand Inquisiteur dans Don Carlos. Remplaçant Arseny Yakovlev, annoncé souffrant, Leonardo Capalbo imprime un lyrisme communicatif à Macduff, qui n’aurait pas besoin des gros plans de la caméra. Membres du Studio de l’Opéra de Lyon, Louis Zaitoun et Clémence Poussin assument les interventions respectives de Malcom – un peu pâle – et de la suivante de Lady Macbeth, tandis que Patrick Bolleire, de Comte de Lerme dans Don Carlos devient ici médecin au chevet de la reine. Préparés par Marco Ozbic, les choeurs remplissent leur office, quand la direction de Daniele Rustioni met en avant les richesses de la partition, sans pour autant faire regonfler le soufflé dramatique de la soirée.

Gilles Charlassier

Macbeth, Verdi, mise en scène : Ivo van Hove, Opéra de Lyon, du 16 mars au 6 avril 2018

©Stofleth

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