
L’élégant Hoffmann de Robert Carsen à l’Opéra Bastille
Présentés pour la première fois à la Bastille en 2000, les Contes d’Hoffmann mis en scène par Robert Carsen reviennent après quatre ans d’absence – l’Opéra testamentaire d’Offenbach avait dernièrement ouvert la saison 2012-2013 de Bastille. Malgré l’absence de Jonas Kaufmann tombé malade, cette mise en scène élégante et approfondie ravira néophytes et spectateurs avertis.
Jonas Kaufmann,Au grand damne de la micro-sphère lyrique, le ténor hématome aux cordes vocales, avait du annuler sa participation aux Contes d’Hoffmann. Il est remplacé jusqu’au 18 novembre par Ramon Vargas. Un choix de casting étonnant, étant donné le physique plus gentillet que séduisant du ténor Mexicain. Ramon Vargas interprète donc un Hoffmann attachant et joufflu mais dont la qualité vocale est incontestable, à en juger les applaudissements qui ont suivi chacun de ses solos. Pour les trois dernières dates d’Hoffmann à Bastille la relève de Jonas Kaufmann sera assurée par l’Italien Stefano Secco.
Les contes d’Hoffmann, ultime pièce de Jacques Offenbach – mort pendant les répétitions de celle-ci en 1880 – ou l’itinéraire charnel d’un homme d’une virtuosité nostalgique saisissante marqué par la succession de défaites amoureuses qui décide, lors d’un banquet bien arrosé, de faire la peinture de ces relations passées. A la fois romantique et fantastique, cet opéra vacille sans cesse entre le burlesque de l’Opéra-bouffe et le monumental du Grand Opéra. Et toute la difficulté de mettre en scène la pièce d’Offenbach réside finalement dans le risque de sombrer dans l’abîme qui sépare ces deux genres, sans jamais réussir à les faire se confronter.
Là est tout le génie de Robert Carsen qui réussit avec brio l’enlaçure des trois actes durant lesquels on découvre chacune des femmes dont les charmes ont su conquérir le cœur naïf du poète ivrogne Hoffmann. La première, Olympia, qui n’est qu’en fait qu’une poupée mécanique, découvrant les plaisirs de la chair, bascule dans une nymphomanie qui rend le public hilare. Une scène humoristique doublée du talent suffocant de la jeune soprano Nadine Koutcher qui remplace Sabine Devieilhe, récemment devenue mère. Cette scène comique est suivie de la dramatique histoire d’Antonia, la fragile chanteuse à qui on interdit la pratique de la musique et enfin Guilietta qui dérobe le reflet d’Hoffmann en échange d’un somptueux diamant.
Ces trois scènes, ainsi que le prologue et l’épilogue sont basées dans un théâtre. On passe alors successivement du bar à la fosse avant de finir sur une immense salle où la centaine de choristes s’adonnent avec sensualité à des jeux romantiques. Les fauteuils tanguent telles des gondoles dans cette monumentale mise en abîme vénitienne. Le faste de la mise en scène ayant alors atteint son apogée retombe avec élégance lors de l’épilogue avec une scénographie minimaliste qui exploite d’avantage les lumières aux dépens des décors. On devine alors les courbes de Nicklauss, la muse d’Hoffmann quittant délicatement la scène. A cet instant, c’est certain, l’élégance de la mise en scène de Robert Carsen atteint son paroxysme.
Visuel : © Julien Benhamou