Opéra
Avec Raphaël Pichon et Katie Mitchell, Miranda sort de l’ombre de Prospero à l’Opéra Comique

Avec Raphaël Pichon et Katie Mitchell, Miranda sort de l’ombre de Prospero à l’Opéra Comique

28 September 2017 | PAR Yaël Hirsch

Co-production de l’Opéra Comique, de l’Opéra Koeln et du Théâtre de Caen, Miranda est un opéra constitué à partir de partitions de Purcell et de certains de ses contemporains, qui revisite The Tempest de Shakespeare à la lumière du personnage de sa fille Miranda, qui l’a suivi avec compassion et vertu en exil. Tissus cousus de compositions authentiques, accompagnant un livret de Cordelia Lynn, joué sur les instruments anciens de l’Ensemble Pygmalion, mis en scène avec sobriété par Katie Mitchell et porté par la charismatique Soprano Kate Lindsey, Miranda est un beau moment de musique, assombri par un message et un décor monolithiques.
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Nous quittions Kate Lindsey dans du Kurt Weill et nous la retrouvons adoubée héroïne shakespearienne, la Mezzo-Soprano embrasse (avec d’autant plus de fougue qu’elle est sublimement enceinte) la cause de Miranda dans cet opéra tiré de nombreuses partitions écrites par Purcell et certains de ses contemporains pour le théâtre Élisabéthain. Miranda, c’est la fille sage de Prospero, le personnage principal The Tempest, seule femme de la pièce de Shakespeare et qui incarne la vertu, la compassion et l’abnégation. Dans la nouvelle création de l’Opéra Comique, elle prend la place du héros, dans le livret créé pour l’occasion par Cordelia Lynn.

Dans cette reconstitution qui suit à la lettre le genre “Semi-Opéra” de l’époque (5 actes, 1h30, parlé et chanté, scène de masque préservée), tout commence par la fin : la mort de Miranda. C’est donc à ses funérailles que nous sommes conviées auxquelles Katie Mitchell n’accorde pas la flamboyance de celle de la Reine Mary puisqu’elle les cantonne à une temple minimaliste, bergmanien, sombre et contemporain. Sauf pour souligner le moment convenu du genre où un bébé va tomber sur le sol et toute l’action se renverse, les acteurs et les chanteurs s’y déploient de profil pour le public dans une économie du mouvement qui participe de la pétrification de Miranda. Des coups de feu ont beau être tirés, c’est au plafond, la vengeance a beau être annoncée, le texte de l’héroïne ne bouge pas d’un iota du début à la fin : elle a été mariée jeune, de force, exilée, de force et elle est morte, par la force. Un victime des hommes. En final, elle ajoute – fidèle à Shakespeare- qu’elle garde pour elle la pureté de son amour en trophée. C’est un peu court pour une jeune maman qui fait une apparition truffaldienne et blasphématoire de mariée en noir à son propre enterrement. Et l’on se prend à penser : “Britanniques, encore un effort si vous voulez être féministes”…

Côté musique, on se régale sans féminisme du montage astucieux de Raphaël Pychon (adulé par le public) qui entraîne Pygmalion à parfaitement rythmer les pleins et les déliés de sa musique de Purcell ressuscitée avec des extraits de The indian Queen, The virtuous Wife mais aussi The Tempest que le compositeur avait travaillé en Semi-Opéra et même, en final, Queen Mary. Il y a aussi du Matthew Locke, et des compositions d’anonymes contemporains de Purcell. Côtés voix, on assiste également à un vrai festin : en écho à Kate Lindsey, le baryton Henry Waddington est un Prospero divin, en Pasteur Marc Morillon est excellent et en Anthony, le jeune “boy soprano” Aksel Rykkvin nous offre un moment angélique.

L’on passe donc un beau moment musical dans cette Miranda et l’on salue le geste fort et brillant de créer avec l’ancien.

Miranda, d’après Henry Purcell, Pygmalion, Rahaël Pychon, livret : Cordelia Lynn, mise en scène : Katie Mitchell, avec Kate Lindsey, Henry Waddington, Katherine Watson, Allan Clayton. Durée : 1h30.
visuels (c) DR Pierre Grosbois

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Christophe Candoni
Christophe est né le 10 mai 1986. Lors de ses études de lettres modernes pendant cinq ans à l’Université d’Amiens, il a validé deux mémoires sur le théâtre de Bernard-Marie Koltès et de Paul Claudel. Actuellement, Christophe Candoni s'apprête à présenter un nouveau master dans les études théâtrales à la Sorbonne Nouvelle (Paris III). Spectateur enthousiaste, curieux et critique, il s’intéresse particulièrement à la mise en scène contemporaine européenne (Warlikowski, Ostermeier…), au théâtre classique et contemporain, au jeu de l’acteur. Il a fait de la musique (pratique le violon) et du théâtre amateur. Ses goûts le portent vers la littérature, l’opéra, et l’Italie.

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