
Un speed dating super Bien fait !
La 6ème édition du festival Bien fait ! démarre à Micadanses avec pas moins de quatre spectacles que l’on a dévorés en une soirée.
Pulse – François Lamargot
Un peu hors programme et en plein air, sur un plateau offert par la ville de Paris, une petite bande narquoise nous jauge de loin, commence par défiler, presque à marche forcée. Il faut trouver sa place pour danser, mais aussi pour passer sur le devant de la scène. Contorsions, glissements de hip hop, de break au parfum de krump. Si ça pulse, c’est qu’il suffit d’un rien pour que la texture sonore ici aux petits oignons ne craque le mouvement. Il suffit d’un rien pour que tout parte en sucette. Le pulse se précipite vers une forme de syncope , les mots se perdent entre le recraché et l’onomatopée pour s’achever sur le grand air de Norma que l’on finit par siffler.
Compagnie du poisson/buffle – les ailes de l’air- Micadanses Paris.
Ubuntu- Mathilde Rance
Est-on trop aveuglé par l’imparable dispositif scénique de ce solo pour en perdre toute objectivité ? C’est possible, mais qu’importe, on espère juste qu’un publicitaire n’était pas dans la salle ce soir tant il pourrait y capter quelques grandes cristallisations du moment. Femme tout sein dehors et en costume de métal dans le désordre d’un féminisme littéralement passé à la casserole. Rituel de l’héroic-fantasy, élan presque mystique autour d’une symphonie de casseroles qu’il faut traîner par les mille et un petits fils de l’existence, entre grâce et parodie. Mais l’objet reste un objet ; on l’a supporté, il nous a entravés, on l’a élevé et puis dansé. On va mater ce monticule de signifiants qui finit par tenir tout entier dans sa fonction acoustique (piloté d’une main de maître par le compositeur Paul Ramage). Et c’est bien ainsi que s’achèvera cette brève et brillante épopée : dans ce son qui persiste , cette menace de domination qu’il fait peser sur tous ceux qui s’amuseraient à prendre les objets trop au sérieux.
Création Micadanses Paris
Para bellum – Erika Zueneli
Ne sommes-nous pas de simple fétu de paille, feuille d’un arbre ou transformée en papier qui se tord en ondulations nerveuses, qui se déchire dans le grand bruit de l’enfer des autres ? Fétu de paille d’accord, mais fermement tenu. Zueneli ne renonce pas et s’infiltre partout où le permettent les failles de l’espace-temps. Du personnage qu’elle joue, s’échappe par giclées ce qu’il reste d’articulé du pantin qu’elle soumet à la chorégraphie (où seuls les pieds semble sur terre, foulant royalement un sol noir de végétaux en décomposition). Happée par ce “quelque chose d’autre”, la danseuse plie sans jamais rompre, sans vraiment céder, demeurant dans un entre-deux porté par la brillante electro-acoustique qui l’accompagne. Comme toujours, il y a quelques temps morts où soudain l’impétuosité fait défaut. Mais la performance, au final, est franchement éblouissante.
Création Tant’ Amati/Asbl &l’Yeuse- Centre Wallonie Bruxelles- CDCN la Briqueterie, Micadanses – Paris.
Mozaïco – Erika Zuenli/olivier Renouf
Une conclusion en forme de clin d’œil au spectacle d’ouverture comme si les anciens parlaient aux modernes dans cet art du contact et du burlesque qui passe sans cesse de la tension à la performance acrobatique. Ça s’en va et ça revient ? Les corps sont confrontés à des objets dont la fonction semble dépassée, par les événements ou, plutôt, par la vitesse des évènements, la force qui les entraîne (des billes, des chaises, des tables …). Plus que rouler, plus que danser, les neuf interprètes de cette Mozaïco nous incitent à une sorte de résistance, impassible et inlassable. Et emportent clairement les suffrages du public.
Création Tant’ Amati/Asbl &l’Yeuse- Micadanses Paris
(c) Olivier Renouf
© Mathilde Rance, Ubuntu © Akiko Gharbi