Danse
L’emprise des sons de Mylène Benoit et Nina Santes à l’Atelier de Paris

L’emprise des sons de Mylène Benoit et Nina Santes à l’Atelier de Paris

16 February 2018 | PAR Amelie Blaustein Niddam

L’Atelier de Paris propose pour un soir encore le double programme 100% féminin, composé de deux chorégraphes qui se connaissent bien, Mylène Benoit et Nina Santes. Deux visions participatives des combats qui se glissent jusque dans nos corps.

Tout commence avec La Maladresse de Mylène Benoit. On se souvient encore de son Aveuglement absolument éblouissant donné dans le même lieu lors de June Event 2016. Elle revient du Japon où elle pensé la question du corps malade, celui qui nous échappe, qui ne répond plus. La Maladresse est présentée comme la réponse à une première partie pas encore montrée :  Gikochina-sa, à voir en juin 2018 aux Rencontres Chorégraphiques de Seine Saint-Denis.On commence donc par une réponse à une sorte de question invisible. Celia Gondol est sur scène accompagnée du duo électro et electro-acoustique composé de Nico Devos et Pénélope Michel. Eux sont posés en fond de scène avec leurs machines. Ils laissent un grand espace à la danseuse. Le public est assis sur le bord, il entoure la proposition. Tout commence par un chant, guttural. Elle semble venir nous saluer, incapable de sortir un mot, encore moins un geste. Elle étire ce moment, le rendant irritant. Puis viendra le son, à la fois médiéval et techno, totalement incarné. C’est le son qui va décider de la circulation de la danseuse aux gestes ronds et répétitifs. Seul le rythme évolue, ce qui bien sûr, change la perception de ces gestes : les épaules ne se contrôlent plus, elles se lâchent. Il n’y a plus que la musique qui puisse nous rattacher au réel. La lumière superbe passe du blafard au bleu. C’est beau et pourtant, le corps dansé a été avalé.

La Maladresse – Mylène Benoit – 2018 from Mylène Benoit on Vimeo.

Les sorcières de Nina Santes ont-elles jeté un sort sur Mylène Benoit pour la faire disparaître?Mylène Benoit et Nina Santes se connaissent bien. En 2013, dans Le renard ne s’apprivoise pas, Mylène la noyait dans un rouge, lui bandant les yeux. Il est donc assez naturel de penser à une vengeance.

Alors, après la pause repas, Nina Santes vient nous annoncer le programme. On va laisser manteaux et sacs là et venir sur le plateau avec eux. Eux, ce sont Soa de Muse, Nanyadji Ka-Gara, Nina Santes, Betty Tchomanga, Lise Vermot. Un seul mec ici, et il porte les cheveux longs. Nous sommes réunis pour Hymen Hymne, un rite de sorcellerie féministe.

La proposition est folle, incarnée, possédée. Ils vont nous séduire en nous offrant en cadeau des phrases posées au sol (“comment accepter d’être mortel ?”), nous charmer en chantant à nos oreilles, ils vont nous faire peur en nous plongeant dans le noir, nous ensorceler en manipulant la lumière. Le rituel qui ira loin viendra libérer la danse pour offrir une autre emprise, celle de la techno (encore) sur nos corps, ceux du public ici totalement acteur. L’immersion en lieu clôt est une idée dingue. Ils nous manipulent comme des marionnettes sans que nous quittions l’espace. C’est magique.

Tout se mêle : les chants, les voix, les images et une danse chamanique qui aurait pris sa source dans le hip hop. Les références politiques sont claires ici, on lutte contre les stéréotypes voraces et le combat se fait plutôt du côté du Black Panther Party. Les danseurs prennent les gradins vides pour tribunes. La voix se fait rap. Le resultat est une transe, une réelle sensation de possession très bien articulée. Les interprètes gèrent l’espace très plein avec une intelligence folle, rendant les déplacements informels du public très chorégraphiques.

La douceur quasi méditative de La Maladresse fait sens avec l’énergie puisée aux tripes de Hymen Hymne. Deux pièces qui disent que posséder son corps est plus qu’un combat, c’est une revendication.

Infos pratiques

Musée Marmottant Monet – Paris
Le Ballet du Nord
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Bastien Stisi
Journaliste musique. Contact : [email protected] / www.twitter.com/BastienStisi

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