
Le vol de nuit de Myriam Gourfink et Kasper T.Toeplitz aux Inaccoutumés
Les Incaccoutumés offrent cette année une programmation dingue. Le festival de performance qui se tient jusqu’au 3 décembre à la Ménagerie de Verre impose une grande ouverture d’esprit et une parfaite disponibilité. Si vous avez envie de sérieusement décoller, laissez-vous porter ce soir par Data_Noise, un spectacle très très High de la chorégraphe, yogi et danseuse Myriam Gourfink, toujours bien accompagnée du solide Kasper T. Toeplitz. Il reste de la place.
Data_Noise n’est pas une création pour les Inaccoutumés. La pièce a reçu en 2012 le prix GIGA_Hertz du ZKM. Un an après en 2013, Gourfink et Toeplitz présentaient Abois constitué d’un mouvement sans fin porté par les vrombissements électroniques et live du musicien. Tout le travail chorégraphique de la danseuse se niche dans le yoga et la méditation tibétaine. Elle traduit en mouvement les postures qui normalement demandent de l’immobilité. Comme dans Abois, Data_Noise est un duo. Il faut le préciser, car Myriam Gourfink est coutumière de pièces de groupes où la lenteur devient fascinante. Danser sa créature, Une lente mastication au T2G, Bestiole ou récemment Gris à Beaubourg… Tous les spectacles de la très productive Myriam témoignent d’une volonté d’ancrage dans le corps.
Pour Data_Noise, le principe est toujours celui d’un mouvement continu, imperceptible. Ici, c’est elle qui décide du son qu’il mixe en direct. Son corps devient un instrument, et lui, en mettant à l’écoute le mouvement, devient chorégraphe.
C’est un vol de nuit qui est proposé, un vol qui aura l’élégance de vous abandonner au matin, un jour où le ciel est presque bleu. Sur le plateau, en avant scène, deux tables en métal sont à côté. Ballerine mécanique, elle s’en sert presque comme une barre classique. Son déplacement très infime se base sur des pivots : de la cheville, des hanches, des épaules… tout est question d’ouverture très poussée. Les alignements sont d’une difficulté qu’elle ne peut cacher, laissant couler la sueur sur le gris de la table. Femme-robot, elle est parée de bijoux du XXIe siècle aux perles Bluetooth.
La magie surgit quand, ce geste qu’on ne voit presque pas nous amène là où on ne l’attendait pas. Comment est-elle montée sur cette table, posée là en équilibre sur un angle d’un os fémoral ? Sa danse est circulaire faite de grands déploiement de bras et de jambes, sans jamais quitter le microscopique et l’injection de “bruits” venant froisser toute tentation d’un esthétisme qui serait fade. DATA_Noise est très puissant et agit comme une drogue pure qui n’aurait pas d’effets d’addictions. Enfin, pour l’addiction, il faudra y réfléchir, car ce qui est sûr c’est que beaucoup iront au T2G le 12 janvier pour la première de sa prochaine création Amas.
Visuel : MYRIAM GOURFINK & KASPER T. TOEPLITZ – DATA_Noise