Joachim Maudet, « croqueur d’amour, l’œil de velours, comme une caresse » à l’étoile du nord
Dans ce lieu militant qu’est l’étoile du nord, le festival Immersion Danse bat son plein. Hier soir, Joachim Maudet nous présentait son alter ego, Gigi. Un autoportrait à pleurer de rire pour ne pas pleurer tout court.
« Je vous vois aussi »
Cela fait 49 ans qu’il arrive. 49 ans que Gigi a trahi, qu’il est parti. 49 ans que son histoire à lui est racontée par elles : la femme du boulanger qui fermait sa boutique tous les mardis, la femme du notaire qui était une sainte et qui n’avait jamais trompé son mari auparavant, la veuve du colonel qui ne porta plus le deuil, parce qu’il n’aimait pas le noir. Toutes, oui toutes.
Mais lui ? Qui est Gigi ? Est-il seulement un beau mec prêt à piétiner ses racines pour une riche Américaine ? Et si Gigi avait juste eu envie de vivre sa vie ? Est-ce un crime ?
Joachim Maudet utilise l’humour dans ses spectacles pour mieux faire passer ses messages. Cet été, à la Belle Scène Saint-Denis à Avignon, Welcome était sur toutes les lèvres ! Cet exercice de ventriloquie appliqué au charme discret de la bourgeoisie avait montré que le mouvement pouvait être encore plus resserré que dans la non-danse, et c’était délicieux.
GIGI est un solo, une commande pour le festival Danse Dense en 2021. Il commence par parler, planté devant nous, regard espiègle. Il raconte la vie « d’artiste ». Celle qui fait que vous êtes toujours sans domicile fixe, passant de train en train pour monter sur scène.
Le mouvement arrive comme un gag. Le cabaret semble s’immiscer en lui, il installe une main qui se déploie, une jambe qui se déplie. Il fait de ses habits un costume. Le tee-shirt devient la perruque blonde de Dalida, et ses chaussettes des marionnettes. Plus la pièce avance, plus sa prise de possession du plateau, nu et presque sans lumière pour le cacher, devient magistrale.
« Ma Gigi, qu’est-ce que tu croyais ? »
Joachim Maudet est breton, il n’a rien de napolitain. Et pourtant, entre lui et Gigi, le lien est évident. Lui aussi est parti pour s’autoriser à être lui. Sa danse est faite de raideurs et de stops aussi nets qu’un 49.3. Il met dans ses pas l’ambiguïté du départ, de la séparation de son lieu de naissance.
Le danseur nous fait passer en un geste, son visage écrasé au sol, de l’humour au désespoir. La ligne est si fine…
En 25 minutes précises, Joachim Maudet dit et montre tout des tiraillements qui le piquent. Alors oui, les bras doivent se braquer, comme les envies parfois. Ce n’est pas une raison pour abandonner. Le mouvement explose sans être fluide, d’un coup. Il est conscient, il n’est pas là pour faire joli ni faire plaisir.
GIGI est une pièce géniale. Elle permet de relire cette chanson mythique du point de vue du protagoniste principal et de la réécouter encore et encore. Elle montre que Joachim Maudet, qui a si souvent dansé pour d’autres, a beaucoup à dire. Contrairement au Gigi de la chanson, le danseur ne se fait pas attendre. Il est prêt à nous offrir bientôt sa troisième pièce : KIDS#1. Encore un retour aux sources ? À suivre !
Le festival Immersion Danse se poursuit avec notamment vendredi 17 mars, Léa Vinette, samedi 18 mars, Anna Chirescu et Grégoire Schaller, le 23 mars, Mathilde Rance. Jeanne Alechinsky danse son élégant et doré At first i was afraid les 17 et 18 mars.
Visuel : © Laurent Pailler
