Danse
Israel Galván et Niño de Elche à Nîmes, toute gémellité confondue

Israel Galván et Niño de Elche à Nîmes, toute gémellité confondue

17 January 2023 | PAR Nicolas Villodre

Au début était le chant. Celui, en l’occurrence, de Niño de Elche – venu “de donde crece la palma” – chant qui épate et déconcerte. Avant que n’arrive la danse, comme tout spectacle, par intermittence, celle de la tête d’affiche, du gitan pur jus, nécessairement sévillan, mythe vivant qui n’hésite pas à remettre en jeu son titre de gloire.

Faux frères

Mellizo doble, titre de la pièce, pour ne pas dire de la proposition, est à prendre au figuré, bien que la chose relève au premier abord de l’abstraction ou, si l’on veut, du concept. Nous attendrons la sortie du film montré à Nîmes en première française, Canto cósmico (2021) de Marc Sempere-Moya et Leire Apellaniz, pour en savoir plus sur le personnage. Son disque Antología del cante flamenco heterodoxo (2018) donnera une idée de ses capacités vocales ainsi que de son répertoire. 

Le tempétueux Niño alterne et mêle récitatif et chant. Cante a palo seco : chant a cappella, tout le long du double récital de chant et de danse – du triple, en fait : la question rythmique entre en ligne de compte avec les premiers pas de Galván et les répétitions de couplets, de vers, de consonnes de la part du chanteur. Sa première phrase énoncée est énigmatique, qui commence par “Cuando Pastora levanta los brazos”. On se dit in petto : s’agirait-il de Pastora Galván, la sœur d’Israel, danseuse tradi, comme père et mère? Ou d’une allusion à Pastora Pavòn, plus connue sous son surnom La Niña de los Peines?

Antiflamenco

En fait, il s’agit d’un long texte d’Eugenio Noel, poète incompris en son temps, comme tout artiste maudit, su par cœur, interprété par la voix puissante et intense de l’Alicantin. Eugenio Noel, militant anti-taurin, rapidement catalogué “anti-flamenco”, y rend hommage à Pastora Imperio, une des plus grandes danseuses gitanes, contemporaine de la fillette aux peignes. Le poète a eu raison avant tout le monde pour ce qui est de la corrida – à part quelques places comme Arles ou… Nîmes, elle a pratiquement disparu d’Europe. Pour ce qui est de l’art andalou, Noel menait un combat contre l’espagnolade ou le flamenquisme plutôt que contre le flamenco lui-même, comme nous l’apprend la spécialiste Sandra Àlvarez.

Et la danse, direz-vous? Pour ce que nous en avons vu et même pour ce que nous en avons ouï lors d’une séquence de cinq minutes dans l’obscurité absolue, en paraissant plus au public impatient qui a commencé à y aller de ses commentaires, sans toutefois quitter la salle, tout va bien. Le fils Galván en a gardé sous le coude. Il a changé de tablier en cours de show, passant du rouge clownesque au noir artisanal ou industriel (protection du forgeron ou du mineur de fond). Dès lors, à partir de cette panne électrique feinte, on est passé de la danse burlesque à la Mack Sennett au tragique, ou tout au moins au tragi-comique. Après un solo d’anthologie sur gravier sur-amplifié, Galván s’est allongé à plat ventre sur le sable noir. La mine non enfarinée mais couverte de minerai.

Au Théâtre de la Ville à Paris du 1er au 9 février

Visuel : Israel Galván dans Mellizo doble © Sandy Korzekwa/festival flamenco de Nîmes.

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Nicolas Villodre

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