
G.R.O.0.VE, le manque de rythme de Bintou Dembélé au Festival d’Avignon
La 77e édition du Festival d’Avignon s’est ouverte sur une belle idée malheureusement mal exécutée. Ce spectacle, présenté comme une déambulation, n’est qu’une succession de tableaux inégaux.
Le nom de Bintou Dembélé est associé, à tort, aux « Indes Galantes » du metteur en scène et plasticien Clément Cogitore de 2019. C’était la première fois qu’une chorégraphe issue du hip hop écrivait pour l’Opéra de Paris. Force est de constater que cet acte, militant et nécessaire, n’a pas fait jurisprudence. Bintou Dembélé est avant tout une immense chorégraphe et danseuse. Cela fait plus de vingt ans qu’elle le prouve.
Sur le papier, G.R.O.O.V.E était l’un des spectacles les plus attendus du festival d’Avignon. Et, à plusieurs titres : cela faisait très longtemps que l’ouverture ne s’était faite par de la danse, et présenter un format de trois heures déambulatoires est carrément une première fois.
Mais, voilà que rien ne se passe comme prévu. Dès la première minute on comprend que la structure écrase le contenu. Nous voici sous un soleil de plomb à marcher en rang serré jusqu’à la place du petit Palais. Et là, nous n’avons rien vu, ou alors de loin. Célia Kameni vocalise face à une Bintou absolument mobile, très ancrée dans le sol. Mais, pour la voir, la voir vraiment, il aurait fallu pouvoir s’approcher. Il aurait aussi fallu arrêter d’entendre les hommes de la sécurité demander au public de se déplacer ici ou là.
Le reste est tout autant laborieux. Chaque séquence est gâchée par un temps d’attente et de mise en place trop long. Et, pourtant, la seconde scène est sublime. Nous assistons à l’abri du rideau de fer de l’Opéra à la pendaison d’un homme qui monte lentement dans les cintres. La référence à l’esclavage est claire mais l’image, très forte, convoque immédiatement les violences policières exacerbées par le racisme. Il faudra attendre, là encore, pour que le mouvement arrive puisque la pièce se continue par la projection de deux films que nous regardons ici, sans déambuler. Le contenu est pertinent, joli même. Il retrace l’histoire de la danse “colywood” en opposition à Bollywood. Les témoignages nous amènent dans le monde de ceux qui ne sont plus nommés “les intouchables”.
Vous commencez à comprendre qu’au lieu de déambuler, nous allons nous asseoir (sauf à la toute fin) d’un lieu à un autre.
Il est bien sûr plaisant de voir Les Indes Galantes “en vrai”. La puissance de tempo des danseurs et des danseuses est époustouflante. Mais, soyons honnêtes, la chorégraphie en elle-même attire l’attention plus par son énergie très pop que par son écriture.
Mais, de superbes interprètes ne font pas forcément un bon spectacle. Le manque flagrant de gestion du public associé à des motifs chorégraphiques déjà employés dans le passé vident ce G.R.O.O.V.E de son rythme.
Visuel : ©Christophe Raynaud de Lage