Danse
Fouad Boussouf emprunte la voie royale

Fouad Boussouf emprunte la voie royale

24 April 2023 | PAR Nicolas Villodre
Vïa, avec son coquet tréma en guise de point sur le « i » visant à désorienter ou, plus probablement, à orienter le spectateur, nous a été donnée en primeur par Fouad Boussouf en deuxième partie de la soirée Traces proposée par le Grand théâtre de Genève.
 

Ballet triadique

Fouad Boussouf a relevé le défi et la rude tâche d’employer le corps du Ballet genevois, du moins les trois-quarts de ses remarquables danseurs, la parité penchant en faveur des femmes. Elles et ils se donnent à fond près d’une heure durant et, par conséquent, méritent d’être nommés : Yumi Aizawa, Céline Alain, Adelson Carlos, Zoé Charpentier, Quintin Cianci, Diana Dias Duarte, ArmandoGonzalez Besa, Ricardo Macedo, Emilie Meeus, Juan Perez Cardona, Mohana Rapin, Luca Scaduto, SaraShigenari, Nahuel Vega, Madeline Wong. Tous évoluent en parfaite synchronie, suivant le parti pris du chorégraphe. 

Nous avons droit à des échappées belles d’un ou d’une interprète faisant bande à part, au fond de la scène, côté cour, à l’intérieur d’un grand cercle ou bien à l’avant-scène. À des sauts également, mais, plus souvent qu’à son tour, à de légers sautillements, lesquels, par la force des choses, deviennent leitmotiv ou gimmick du ballet. Aucun effet d’épate, peu de référence au passé hip-hopeur. Des sautillements sur la demi-pointe, les petons étant gainés de chaussettes couleur chair. Des figures géométriques, du tout représentatives ou narratives. Décoratives, certes, mais au meilleur sens du terme.

Chorus line

De ce fait, Fouad semble prêt pour Broadway, pour les bataillons de girls et de boys, les alignements sur plusieurs plans, les croisements en tous sens qui furent la marque, sinon la trace, de l’âge d’or du Canterbury, du Ba-Ta-Clan, de la Gaîté, des Folies Bergère ou du Moulin Rouge. Sans que la mécanique de Vïa ne brise ni le contact avec la salle ni la qualité de danse de chacun – la différence, certes relative, trouve à s’exprimer, y compris dans les parties en contrejour, les danseurs devenant hiéroglyphes, silhouettes comme celles d’une Kara Walker. Les costumes, vus de près, ainsi que nous l’a confié la styliste Gwladys Duthil, sont en réalité différents les uns des autres.

Le striptease, qu’on se rassure, très pudique, présente la troupe sous trois tenues différentes : d’abord en manteaux longs, plus légers que ceux des westerns spaghetti de Sergio Leone, d’un rouge pétard, puis d’un bleu apaisant, enfin d’un jaune citron faisant crisser les dents. Le scénographe Ugo Rondinone a assorti les couleurs primaires rouge, cyan, jaune du vestiaire à celles du gigantesque cyclo faisant office de décor éclairé avec intensité par Lukas Marian qui s’en est donné à cœur joie. À l’instar des élèves de Johannes Itten, artiste qui, comme lui, était suisse, il a joué avec les contrastes colorés, a donné un cachet Pop art au spectacle et contribué à rythmer l’écoulement. La musique électro-acoustique de Gabriel Majou, plus acoustique qu’électro, a certainement concouru au succès public de la pièce, le morceau le plus dansant ayant été au final bissé.

Visuel : Vïa, photo : Gregory Batardon, Grand théâtre de Genève.

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