Jazz
Camille Bertault au New Morning

Camille Bertault au New Morning

24 April 2023 | PAR Cloe Bouquet

Mardi 18 avril, Camille Bertault était au New Morning avec ses musiciens pour présenter son nouvel album, “Bonjour mon amour”.

Un quatuor du tonnerre

Il arrive d’aller voir des concerts de genres et de sous-genres musicaux que l’on a l’habitude d’écouter et d’apprécier, et d’être déçu de la performance à cause d’un style maladroit qui empêche l’émotion ; là, c’est l’inverse. Même si l’on préfère un jazz plus traditionnel, plus swing, des voix éventuellement plus pleines avec moins d’air dans les aigus, on ne peut qu’être séduit par le style de Camille Bertault. C’est simple : elle est musicienne. Et en plus d’être une vocaliste incroyable, elle a également le talent de savoir s’entourer de musiciens tout aussi géniaux. Minino Garay (percussions), qui est encore plus fou que Camille, doit avoir des bras et des jambes supplémentaires cachés quelque part ; ensuite, entre l’agilité folle de Fady Farah au piano (et pas au détriment de la musicalité), et Christophe Minck qui est multicasquette (contrebasse, chœurs, sifflements, synthé…), on peut dire qu’elle a de la chance.

J’ai dit vocaliste, car Camille Bertault n’utilise pas sa voix que pour chanter, mais pour faire des percussions, du trombone, des effets, des bruitages (Bobby McFerrin est sans doute passé par là), comme celui très réaliste d’une voiture de police dans Nouvelle York au début de la chanson, et même pour rapper, dans Dodo !!! Si tous les rappeurs pouvaient être aussi intéressants…

Une artiste complète

Camille Bertault est donc une musicienne qui fait vibrer, qui transmet l’émotion intense qu’on attend d’un spectacle (j’entends, à la fin du premier set, deux personnes discuter : “- ça va ?

– Oui, mais l’émotion est forte, là !”, comme si on avait besoin de souffler et qu’on ne pouvait reprendre une activité ou une conversation banale après cela). Elle est d’une précision folle en termes de justesse, de rythme, d’agilité : quel bonheur, sa version de Je m’suis fait tout petit de Brassens avec Julien Alour à la trompette (ou au bugle ?) en accompagnement piqué, et de la 1ère des Variations Goldberg de Bach avec Fady Farah au piano ; elle scat ce qu’il joue à la main droite, pour finir le set en beauté sur cette prouesse qui l’a fait connaître il y a quelques années sur Facebook, sur une improvisation de Coltrane sur Giant steps. “Nous aussi, on peut chanter” ? Demande Minino Garay. “Non, reste calme Minino”, lui répond Camille en plaisantant. “Mais nous aussi on la connaît !”. Alors, il danse à la place.

Mais elle est aussi une présence scénique singulière (sa main gauche dessine la musique), une compositrice originale, qu’on reconnaît (elle utilise beaucoup, notamment, les intervalles de septième dans ses mélodies, même si l’on trouve aussi des mélodies plus simples comme dans Has Been, qui pourrait être de Michel Legrand), ainsi qu’une parolière talentueuse et spirituelle. D’abord, écrire une chanson pour rendre hommage aux chansons qui ne marchent pas, il fallait y penser – la faire suivre de le tube, aussi. Ensuite, on peut admirer la finesse des jeux de mots, figures de style et des trouvailles dans certaines chansons, comme Conne, finement : “Tu peux lire des livres à l’endroit/les comprendre de travers/Faire un masque à l’avocat/le manger à la cuillère/Apprendre les noeuds marins/Faire pousser de la coriandre/Organiser une crémaillère/Et l’annuler pour te pendre”.

Une chanson moins joyeuse, voir la mer, évoque, sans dire quoi, un moment difficile vécu à 13 ans, qu’on imagine être du harcèlement scolaire – raison pour laquelle il fut difficile à Camille Bertault de la sortir d’elle-même, nous indique-t-elle.

Camille Bertault, c’est aussi un art de l’arrangement : le concert s’ouvre sur My fav’ things à la voix seule, avec une machine pour superposer des motifs accompagnant la mélodie.

Les musiciens ont tellement de succès que les deux bis prévus n’ont pas suffi, il en a fallu un troisième. Le premier était un duo père-fille (piano/voix) très émouvant sur un chant brésilien avec des paroles françaises de Camille Bertault, le deuxième, Je suis un arbre, un ovni drôle et original.

Ce n’est pas de la chanson, c’est du jazz, mais ce n’est pas du jazz, c’est de la chanson, mais ce n’est pas de la chanson, comme le dit la chanteuse…

“- C’est de la bonne musique !” Crie quelqu’un du public.

– “Exactement.”

 

Visuel : (c) image officielle de l’album “Bonjour mon amour”

 

 
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Cloe Bouquet

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