Carolyn Carlson dans les lignes de Rotkho au Festival June Events
Le festival de danse June Events est déclaré ouvert. Hier soir, soir de première. Carolyn Carlson a ouvert le bal, en solo, à 71 ans. Merveille.
Carolyn Carlson a révolutionné la danse dans les années 70 en intégrant une forme particulière de spiritualité et d’intériorité dans ses propositions qui faisaient la part belle aux circularités et aux alignements poussés. Sans tomber dans le butô pour autant, elle a su apporter la lenteur et la profondeur nécessaires à la méditation et à la concentration.
Avec son dernier solo, Dialogue with Rothko, elle semble résumer sa carrière. Quoi de plus juste pour la longue dame de s’attaquer à l’abstraction solaire du peintre ? Ici elle interroge Untitled (Black, Red over Black on Red), datant de 1964. Comment traduire en danse l’idée que la couleur est une force ?
Elle ne cherche pas la prouesse mais épouse le sens. Elle se présente d’abord en blanc, les cheveux lâchés devenant allégorie de pinceaux avant d’épouser le noir, les cheveux maintenant tirés, puis de le teinter de rouge. Elle se présente de dos, les bras si longs. Elle est maigre, chaque os vient découper des lignes hypnotiques. La rapidité n’est plus, elle le sait, ne la cherche plus. Mais quant cela est nécessaire elle courbe, court dans des zigzags du buste époustouflant. Elle est accompagnée, on devrait dire secondée par Jean-Paul Dessy au violoncelle. Il apporte de la violence quand il le faut, permettant d’appuyer un mouvement.
On regrette une volonté didactique de transmettre qui peut freiner la beauté. Des images pas très heureuses sont projetées, des paroles sont lues, on entend Juha Marsalo prononcer les mots de Mark Rotkho :”l’oeuvre ne signifie rien, elle dit tout”. En regardant Carolyn danser, en la voyant marcher, on sait cela, il n’y a pas besoin de dire pour la comprendre. La puissance de l’abstraction est là offerte à nous.
Visuel : ©Laurent Paillier
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