Classique
Prokofiev, Ravel et Sibelius enflamment la Philharmonie de Paris

Prokofiev, Ravel et Sibelius enflamment la Philharmonie de Paris

03 February 2023 | PAR Capucine De Montaudry

La musique est une fête. Ce soir, la Philharmonie nous émerveille avec un programme rassemblant des compositions de la même époque, mais dont les influences forment un contraste étonnant. En quinze ans à peine, Prokofiev, Ravel et Sibelius illustrent la diversité qui existe sur la scène musicale. 

Prokofiev, ou le plaisir de jouer avec les codes classiques 

Pour cette première partie de concert, l’orchestre Santa Cecilia, dirigé par Antonio Pappano, interprète la toute première symphonie de Prokofiev. Dite « classique », l’oeuvre reprend les codes du XVIIIe siècle et assume l’influence d’Haydn. On y reconnaît un clin d’oeil à La Surprise avec les nombreux contrastes de nuances qui caractérisent le premier mouvement. De nombreux sauts d’intervalles lui donnent également un style pétillant. 

Les violons, et les cordes en général, ont la part belle de ce concerto. Ils interprètent la grande majorité des mélodies principales, et les musiciens de Santa Cecilia font preuve d’une précision admirable. 

La symphonie classique est une merveille de complicité, comme le révèle les nombreux jeux de répétitions et de réponses entre les différents pupitres. Les tonalités sont joueuses dans l’ensemble de l’oeuvre. Le Larghetto semble presque traînant en dépit d’une flûte traversière aux arpèges virtuoses. Les cadences s’installent dans un tempo ample, mais sont vite rattrapées par l’allegro du dernier mouvement. 

Prokofiev reprend ici des codes anciens, ce qui semble pour lui un jeu d’enfant. On parle parfois d’un exercice de style. La symphonie est en effet très légère et manque d’audace. On y retrouve cependant la joie et le plaisir d’un ?? musical. 

Ravel, une interprétation romancée du concerto en sol par Vikingur Olafsson

Le concerto en sol, dédié à la pianiste Marguerite Long, est sans conteste l’une des plus belles oeuvres de Ravel. La complexité des influences est infinie. Comme dans le concerto pour la main gauche, on y reconnaît des rythmes jazz, des gammes pentatoniques asiatiques, et une grande audace dans l’harmonisation. Le premier et le dernier mouvement ont des accents militaires. Peut-être que Ravel nous rappelle les années au cours desquelles il est parti au front, avec pourtant une brillance qui est loin de représenter le traumatisme de la Grande Guerre. On y reconnaît aussi la naissance du dodécaphonisme avec des gammes qui brisent peu à peu l’armure traditionnelle. 

Jouer le concerto en sol après la symphonie classique fait contraster d’autant plus la souplesse et la variété des rythmes, avec un tempo qui change sans cesse au gré des ralentis et des accélérations, en particulier au cours du premier mouvement. Celui-ci se clôt (ou presque) sous une jolie référence au Leitmotiv de Lohengrin (Wagner), qui ajoute comme une touche de magie avant le second mouvement. 

Interprété par Vikingur Olafsson, ce second mouvement nous apparaît dramatisé. Les légères retenues avant les points culminants et la force donnée aux notes graves de la main gauche accentuent l’expressivité des cadences. Le pianiste frôle un jeu trop lyrique, dans lequel l’affect ternit la douceur du mouvement. Ce goût pour une interprétation très expressive se confirme dans son interprétation de Bach, qui précède l’entracte. 

L’interprétation du concerto en sol n’en demeure pas moins d’une grande beauté. Dans le mouvement lent, le solo du cor anglais, sous les arpèges du piano, reprend le thème initial et montre toute la délicatesse de Ravel qui savait explorer les subtilités de chaque instrument. Sa musique est empreinte de mystères et d’ombres sans que jamais la quiétude ne se perde. La harpe offre par moment un délicat fond sonore. 

Le troisième mouvement représente de nouveau une explosion de vitalité et de virtuosité. On y perçoit des accents de la rhapsodie hongroise de Lizt, avec certains de ces accents qu’on a qualifiés d’impressionnistes dans les Arabesques de Debussy, ou encore une énergie héritée du Sacre du Printemps. Ravel propose un savant mélange des styles sans jamais quitter les intervalles si caractéristiques de sa musique.  

Sibelius, sa majesté des cuivres 

Cette fois ce sont les cuivres qui sont à l’honneur dans la cinquième symphonie du compositeur finlandais. Les accents sont plus romantiques et contrairement aux deux oeuvres précédentes, fil narratif qui semble structurer l’oeuvre. Majestueuse, la cinquième symphonie reprend un thème propre à chaque mouvement dans des amples cadences qui contrastent avec l’extravagance de Ravel. 

Composée suite à la seconde guerre mondiale, l’œuvre trouve son expressivité dans une sobriété voulue car l’harmonie parle d’elle-même. Le ton y est grandiose, au moment où la Finlande accède à l’indépendance avec la révolution russe. 

*

L’orchestre italien Santa Cecilia, qui figure parmi les plus renommés sur la scène internationale, montre sous la baguette d’Antonio Pappano sa virtuosité à interpréter une grande variété de registres. Cette programmation éclectique est un voyage à travers les différents courants musicaux de l’après-guerre. 

Visuel : Maurice Ravel au piano, 1914, Gallica-BnF. 

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