Classique
David Fray au TCE s’attaque aux Variations Goldberg

David Fray au TCE s’attaque aux Variations Goldberg

28 June 2019 | PAR La Rédaction

Troisième et dernier volet de la Carte Blanche de David Fray au TCE, dédiée en grande partie à Jean-Sébastien Bach : après les concertos pour 2, 3, et 4 pianos, et un concert autour de sonates de J.S.Bach et L.V.Beethoven avec le violoniste Renaud Capuçon, le pianiste se lance dans l’interprétation sur scène des Variations Goldberg.

Par Myriam Saab-Seurin

A l’origine titrées Aria avec diverses variations, la légende veut qu’elles aient été écrites pour permettre au jeune claveciniste Johann Theophilus Goldberg (âgé de seulement 14 ans) de jouer cette œuvre pour le comte Keyserling qui souffrait d’insomnie… peu importe la réalité historique, le jeune homme ayant, sans doute sans le vouloir, fini par donner son nom à l’œuvre.Œuvre longue composée par J.S.Bach dans la dernière période de sa vie (elle est publiée en 1741) les Variations Goldberg constituent à elles seules la quatrième et dernière partie de sa Clavier-Übung (Exercice pour le clavier), par laquelle Bach revient à l’écriture pour clavecin après un volume consacré à l’orgue.

Il s’agit d’une Aria à la structure harmonique simple et forte, suivie de trente variations, dans lesquelles on retrouve l’ensemble des formes d’écriture explorées par Bach pour le clavier : canons (utilisés toutes les trois variations), fugues, toccatas, danses… se succèdent en suivant la forme des 16+16 mesures de l’Aria, à quelques exceptions près qui la contractent ou la dédoublent. Une note de malice est cachée dans la dernière variation dans laquelle entrent, superposées, les phrases de deux chants populaires assez comiques.

Un certain nombre des variations ont été explicitement écrites pour être jouées sur un clavecin à deux claviers, placés l’un au-dessus de l’autre : autrement dit, les deux mains peuvent jouer des notes écrites à la même hauteur sans se gêner puisque décalées sur deux claviers différents. D’autre part, les plans sonores des deux claviers sont d’emblée différenciés. Cette particularité ajoute à la difficulté d’interpréter au piano, a fortiori sur scène, une œuvre déjà si longue, complexe et virtuose.

Le 27 Juin, dans la chaleur qui règne au Théâtre des Champs-Elysées, c’est donc David Fray qui s’attelle à ce vaste défi. Sa discographie met particulièrement en avant Jean-Sébastien Bach (partitas, concertos pour piano, sonates pour violon et piano avec Renaud Capuçon) qu’il aborde généralement en assumant d’utiliser les possibilités sonores d’un instrument pour lequel Bach n’a finalement pas composé.

Si la chaise placée devant le piano et la posture rappellent un peu Glenn Gould, on est donc dans une toute autre approche, et on entend dès l’Aria un parti pris de son plein et « dans le clavier », mais d’une certaine uniformité. On perçoit aussi de temps à autre une instabilité rythmique qui déroute. David Fray possède indubitablement une conscience complète de sa polyphonie mais peine durant le premier tiers de l’œuvre à la faire vivre pleinement, à trouver de la variété dans le timbre. L’articulation prend le pas sur la dynamique rythmique, et le beau son sur la clarté du discours.

Mais vers le milieu de l’œuvre, la quatorzième variation, qui est une toccata, permet à David Fray de trouver une vraie liberté pianistique, réjouissante digitalement comme sur le plan sonore, qui libère son phrasé. Les dissonances et la modernité de la quinzième variation, mineure, sont également magnifiées par le son du piano, et à la seizième variation, indiquée Ouverture, un peu en manière d’improvisation, le toucher se fait libre et assumé.

Le musicien semble dès lors enfin délivrer son interprétation, le discours devient totalement fluide et la subtilité des intentions se communique réellement. La vingt-et-unième variation est un moment de grâce.

Lorsque l’Aria revient clore le cycle, on prend la mesure du processus que David Fray et son public ont traversé durant cette heure et demie de musique. Et il sera intéressant de voir comment l’artiste évoluera au long cours avec cette œuvre.

Visuel :©Par Myriam Saab-Seurin

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