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Beethoven et van Dijk  fondamentaux par le Quatuor Signum au Printemps des Arts

Beethoven et van Dijk fondamentaux par le Quatuor Signum au Printemps des Arts

30 March 2019 | PAR Yaël Hirsch

C’est dans le cadre solennel et néogothique du Musée Océanographique de Monaco et exceptionnellement sans œuvre de Mauricio Kagel (à l’honneur cette année) qu’a eu lieu cette soirée du vendredi de la troisième semaine du Printemps des Arts.

Au programme : Par le Quatuor Signum, le très contemporain (et trentenaire) Matthijs van Dijk et deux des derniers quatuors de Beethoven, soit deux fois 45 minutes de musique qui déjoue tous les codes avec une force inouïe.

Après une conférence de Tristan Labouret sur l’alto et son rôle évanescent dans les quatuors de Beethoven, intitulée « L’alto, la cinquième roue du carrosse? », les quatre musiciens du Quatuor Signum: Florian Donderer et Annette Walther au violon, Xandi van Dijk à l’alto et Thomas Schmitz au violoncelle, ont pris place sur l’estrade de bois de la grande salle du musée.

Ils commencent avec (rage) rage against the de  Matthijs van Dijk, une œuvre de 2018 créée par le compositeur sud-Africain à Capetown autour du fameux poème de Dylan Thomas : « Do not go gentle into that good night ». Tout commence doucement, comme un souffle mais celui-ci devient vite sifflement et nous plonge dans une machine de rage contre la finitude de la mort. L’air tourne et semble se raréfier, bientôt rythmé par des jets d’archets qui viennent cogner durement contre les bois des instruments : on dirait un flamboyant ballet d’astéroïdes qui tombent, les unes après des autres, indiscutablement. Et en même temps, les coups mêmes semblent participer à une sorte de grand requiem inquiet saisi par des pincements de cordes. Le grondement enfle jusqu’à devenir mélopée, une valse triste et mélancolique mais aux accents quasiment orientaux, les violons font grimper encore l’émotion et c’est le violoncelle qui tombe comme un couperet sur ces 9 minutes de musique profonde, émouvante et intranquille.
Le premier quatuor de Beethoven n’est pas beaucoup plus « tranquille ». Composé en 1825 dans une sorte d’urgence interrompue par la maladie surmontée, le quatuor n°15 en la mineur opus 132 porte en son sein le fameux hymne à la renaissance qui semble détruite de l’intérieur tout classicisme de la forme « quatuor ». Il commence avec feu en la mineur par l’Assai sostenuto que le Quatuor Signum installe dans la durée et la gravité. Les tempi sont lents, la musique enveloppe pour nous promener sur des sentiers inconnus, l’Allegro suivant est décidé et l’interprétation du fameux « Heiliger Dankgesang » central par Signum est lente, terrible, pas du tout aérienne. La renaissance gagne en gravité. L’avant dernier mouvement poursuit dans cette même veine crépusculaire et le final vient trancher avec éclat.
 

Après un entracte généreux, nous nous réinstallons sur nos chaises pour un deuxième monument de 45 minutes des derniers quatuors de Beethoven : le n°13 en si bémol majeur op. 130 (1826). Ici, la spécificité, c’est un 6e mouvement final qui n’en finit pas et passe par une fugue. L’adagio inaugural est grave, lent, et joue le rôle de fil rouge continu. Attentifs, très clairs et méticuleux, les Signum continuent de nous faire passer méthodiquement et lentement par chacun des rebonds de l’œuvre. L’explosion arrive et le Presto nous emporte, l’andante du troisième mouvement nous ramène délicatement à la mort au milieu de ce festin d’énergie de même que la cavatine qui nous hisse sur un manège un peu noir. Le final est grandiose, nous emporte comme une vague interminable et s’ancre tout à fait en nous. L’exécution du quatuor Signum à la fois lente, douce et très détachée fonctionne parfaitement pour relever l’impression d’interminable – sinon d’éternité.

En contrepoint ironique de la conférence inaugurale de cette soirée, c’est l’alto qui a le dernier mot puisqu’en bis, le quatuor Signum donne une très belle adaptation par son altiste, Xandi van Dijk, du Lied de Schubert « Du bist die Ruhe ». L’occasion de s’apaiser après la fureur de Beethoven et de réaliser encore une fois combien les deux quatuors étaient telluriques.

La nuit et un peu de fraîcheur tombent sur le Rocher et nous nous réjouissons déjà à l’idée d’un samedi de Soleil et de musique avec plus de Beethoven, du Mauricio Kagel et Renaud Capuçon au programme de ce samedi 30 mars. 

Visuel : YH

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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