
“Ici-Bas”, Sonia Bester et Olivier Mellano closent le Festival d’Avignon en douceur et en poésie
C’est la tradition, et une tradition cela se conserve, surtout quand elle a lieu dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. Le dernier spectacle est un concert, et hier, la proposition élégante de la metteuse en scène et du guitariste nous ont permis de décélérer et de dire poliment au revoir.
Conçu par Sonia Bester et Olivier Mellano, ce concert invite toute la hype de la chanson française à poser des mots de poètes sur les mélodies souvent sombres de Gabriel Fauré. Pour être chic, c’est chic. La comédienne Judith Chemla s’avance, robe fluide et chante perché et clair Paradis, qui est une mise en musique de La chanson d’Ève, un poème de Charles Van Lerberghe. “C’est le premier moment du monde” nous dit-elle avant que Mellano, bien au centre, balance un premier riff évanescent façon Rodolphe Burger qu’il connait bien. La scénographie est simple : des bancs gris à la ligne brute sont posés en transversal dans toute la Cour. Au jardin, le piano de Simon Dalmais, le violon de Anne Gouverneur, le violoncelle de Maëva Le Berre.
L’idée du concert déçoit. Les chanteurs vont venir les uns après les autres interpréter une chanson pendant que les autres l’attendent. Le casting est dingue et surtout on sait ce que peuvent faire ces voix : Dominique A, Jeanne Added, Camille, Élise Caron, Judith Chemla, Hugh Coltman, John Greaves, Piers Faccini, Philippe Katerine, Kyrie Kristmanson, JP Nataf, Sandra Nkaké, Himiko Paganotti, Rosemary Standley. Alors, bien sûr, c’est très joli, tout le monde chante juste et c’est une idée magnifique de mettre en musique Nocturne de Villiers de l’Isle-Adam. Mais pourquoi ne pas les avoir fait chanter ensemble ? Pourquoi ne pas utiliser les puissances de Jeanne Added et Sandra Nkaké dans le rock de Mellano ? Le moment le plus juste est un duo décalé entre Katerine et Nataf en peignoir de soie. Là, on sort du récital très télévisé. Tout ça pour ça a-t-on envie de dire, déçus que le joli et le beau ne suffisent pas à séduire.
L’apport d’Ici-bas, et il n’est pas vain, est de modifier notre écoute de ces poèmes de Verlaine, Armand Silvestre, Théophile Gautier, Charles Van Lerberghe, Sully Prudhomme. Cela est de ce point de vue une réussite. Mais, le sublime était proche et seule l’élégance est venue. Dommage, et en même temps, cela rend les adieux plus doux.
Ici-Bas est un spectacle qui manque d’une conception dramaturgique plus forte pour dépasser son statut de divertissement chic.
Ici-Bas / Les Mélodies de Gabriel Fauré – Sonia Bester et Olivier Mellano – visuel © Richard Dumas