
Avignon Off : « Hoîchi, le sans oreilles », un conte sombre et envoûtant du folklore japonais
Pour sa première sur la scène française et avignonnaise, la compagnie hongkongaise du théâtre Ronin nous propose un conte sombre et envoûtant du folklore japonais : «Hoîchi, le sans oreilles». Cette histoire d’horreur vous transportera dans le Japon médiéval, tout en vous faisant réfléchir sur ce qui constitue la véritable laideur de notre monde.
Cette pièce, intégralement en cantonnais et surtitrée en français, ainsi qu’en anglais, est adaptée d’Hoîchi et la légende des samouraïs disparus, une histoire recueillie par Lafcadio Hearn, un journaliste et écrivain irlandais du XIXème siècle, féru de culture et de folklore japonais.
Elle nous relate la mésaventure d’Hoîchi, une chanteuse aveugle, dont la voix est capable d’émouvoir même les défunts. Elle est notamment renommée pour sa complainte de la bataille de Dan-No-Ura, une bataille où de nombreux jeunes hommes périrent décapités. Depuis lors, on dit que leur esprit hantent la baie, voué à un éternel tourment. Ni le temple érigé à leur attention, ni l’inhumation de leurs corps ne parvient à les apaiser.
Une nuit, la chanteuse est repérée par l’empereur Antoku et une main glacée l’entraîne auprès de ce dernier.
Au fil des jours, Hoîchi devient de plus en plus étrange. Le moine qui l’a recueilli s’en inquiète. Mais réussira-t-il à la sauver ? Rien n’est moins sûr… La mélodie de son biwa et son chant semblent être les seuls capables d’émouvoir les défunts, qui trouvent auprès de la chanteuse un certain réconfort. Elle est devenue spéciale à leurs yeux, ce dont elle tire une certaine fierté. Comment pourrait-elle alors redevenir une simple chanteuse de temple ?
Sur scène, si l’on parvient sans peine à identifier le bonze, le personnage d’Hoîchi semble être incarnée par plusieurs personnes, comme si elle n’avait pas d’identité propre ou qu’elle était en train de la perdre. On ne sait véritablement qui elle est : est-ce la musicienne, agenouillée sur une natte au fond de la scène, qui accompagne le récit au biwa et qui chante ce qui ressemble à une complainte ou est-ce la jeune femme, dont la cécité est matérialisée par un voile ?
Les défunts sont également présents sur scène, mais de manière plus discrète, personnifiés par des objets inanimés : le papillon en papier, fragile et éphémère, avec lequel Hoîchi symbolise l’âme des morts. Les lanternes, dans la tradition japonaise, sont censées les guider. Là, par contre, elles semblent davantage conduire Hoîchi vers le monde des esprits qui apparaît et disparaît au son des crotales qui s’entrechoquent. Lorsque les esprits sont à l’oeuvre, l’atmosphère se teinte d’une aura mystérieuse, nimbée de bleu et de rouge. La musique prend des accents plus modernes et résonne dans la salle. Mais la preuve la plus tangible de la présence des morts est un squelette doré, personnification de l’empereur Antoku, le chef des âmes damnées de la baie de Dan-No-Ura, celui qui causera la perte d’Hoîchi.
Ce squelette, présent tout au long du spectacle, agit comme une sorte de memento mori, afin que nous nous rappelions que notre vanité peut nous faire voir d’innombrables choses, y compris quand nous sommes aveugles. Tout comme nos désirs, il faut savoir la dompter, sinon elle causera notre perte… À méditer…
Informations pratiques :
Hoîchi le sans oreilles, mise en scène et adaptation d’Alex Tam, présenté par la compagnie du théâtre Ronin, dans le cadre du festival Off d’Avignon, du 20 au 29 juillet 2018, à 14 heures 05, au théâtre Laurette. Durée : 1 heure.
Visuel : © Affiche officielle
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