
H.F. Thiéfaine : « Géographie du vide » : une petite révolution musicale !
Après sept ans de silence discographique et quelques péripéties liées à la crise sanitaire, le poète Jurassien Hubert-Félix Thiéfaine revient avec 12 nouvelles pépites comme une renaissance et un nouveau départ musical.
Soulignons d’abord ce petit choc visuel sur la pochette où le buste ébréché de l’artiste apparaît illustrant les fêlures du chanteur. Et puis dès le premier titre en ouverture, on comprend vite que la bande sonore rock blues des 80’s et 90’s laisse aujourd’hui place à une electro pop où mélodies et arrangements font figure de soleil hivernal au milieu de la production grisâtre des artistes de la jeune génération. Au fil des écoutes, on savoure cette écriture poétique fiévreuse dans la lignée des Lautréamont, Rimbaud, Léo Ferré qui épouse ces nouvelles mélodies pop. Cet alliage sonne résolument moderne. Le personnage semble aujourd’hui plus apaisé, mais Thiéfaine reste Thiéfaine, avec ces toiles sonores mélancolique, tout en clair obscur qui sont sa marque de fabrique depuis plus de 40 ans.
Des atmosphères poétiques, aussi fiévreuses qu’incandescentes
Sur ce disque flottent des atmosphères poétiques, aussi fiévreuses qu’incandescentes. La voix conserve elle aussi ses atouts premiers : chaleur et avec de belles intonations hautes en couleur. La nouveauté vient vraiment de ces ouvertures vers la pop et l’electro qui induisent des mélodies plus légères signées par son fils Lucas Thiefaine, Marc Perier (bassiste), Joseph d’Anvers et JP Nataf (Les Innocents) mais aussi Arman Méliès et Nosfell. Ce nouvel opus regorge de titres élégants et racés, de compositions mâtinées de cordes, de piano et guitares électriques alambiquées. Ici tout est vraiment surprenant. A commencer par “Du soleil dans ma rue” sorte de reggae electro minimaliste déroutant, qui mets nos sens en alerte, et nous invite à nous concentrer attentivement. On se délecte de ce pop jazzy « La fin du roman ” tout comme « L’idiot qu’on a toujours a été » ou « Page Noire », pop song qui sonne comme du Arcade Fire..
Un orfèvre de l’écriture
Dans un autre registre, on se laisse prendre par surprise par ce saisissant “Reykjavik” ou « Nuits Blanches » dont le final rappelle quelque part Genesis. Hubert Félix Thiéfaine reste un orfèvre de l’écriture, on le sait depuis longtemps, mais cette nouvelle direction musicale enfonce un peu plus le clou. Thiefaine est obsédé par la magie, la beauté, l’émotion que procure l’écoute d’une chanson. Côté textes, les mots se fondent parfaitement aux mélodies avec une certaine pudeur qui caractérise l’âme écorchée vive du poète. « Fotheringhay 1587 » évoquent les derniers jours de Marie Stuart, devenue reine d’Ecosse à l’âge de six jours et qui sera exécutée à 44 ans. Les vers sont littéralement saisissants, portés par une mélodie obsédante et un violoncelle ondulant qui vient en contrepoint. Cet étonnant Géographie du vide est un album fondateur, annonciateur d’un nouveau départ.
A chaque écoute, l’envie d’y retourner se fait plus pressante. Fortement recommandé.
Visuel (c) Couverture d’album
Géographie du vide (Columbia)
01-Du soleil dans ma rue
02-Page noire
03-Fotheringhay 1587
04-La fin du roman
05-Nuits blanches
06-Prière pour Ba’al Azabab
07-Eux
08-Reykjavik
09-Vers la folie
10-L’idiot qu’on a toujours été
11-Combien de jours encore
12-Elle danse