Chicago, foyer d’art brut : à la découverte des artistes marginaux du Midwest à la Halle Saint-Pierre
Jusqu’au 2 août, la Halle Saint-Pierre accueille une exposition conçue par le Intuit, musée de Chicago dédié à l’art outsider et intuitif, et présente dix artistes qui ont créé en autodidactes dans le Midwest. Une traversée des frontières magistralement scénographiée.
On crève littéralement l’affiche pour entrer dans l’évènement Chicago Art Brut de la Halle Saint-Pierre. En dix artistes ayant rayonné dans cette ville – qui est la première du Nouveau Monde à avoir accueilli la collection de Jean Dubuffet en 1951 (et sa fameuse conférence « Anticultural Positions ») – l’exposition fait le point sur un art outsider un peu plus ouvert que le concept strict d’art brut de Dubuffet. A part Henry Darger (né à Chicago, lire notre article sur l’exposition de 2015 au Musée d’Art Moderne) avec ses Vivian Girls projetées et exposées à côté de photographies de sa chambre, les artistes de cette exposition ont côtoyé la culture, la scène artistique et la vie active de leur ville et leur temps.
Ils n’en sont pas moins marginaux, tels Joseph E. Yoakum né de parents amérindiens et africains-americains et qui a suivi un cirque pour traverser le pays, Lee Godie aux fresque très design et qui vivait dans la rue (mais était une figure incontournable de la scène artistique de Chicago) ou Pauline Simon qui a pris son premier cours de peinture à près de 70 ans au Art Institute dans les années 1960.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’”Outsider art” traite directement et ardemment la question de l’identité et de l’ethnie: l’artiste encore vivant, Dr. Charles Smith, vétéran de la guette du Viet-Nam est aussi devenu artiste pour protester contre le traitement des africains-américains aux Etats-Unis quand 7000 d’entre eux ont laissé leur vie dans cette guerre. De même, d’origine grecque et totalement autodidacte, Drossos Skyllas mêle mosaïques byzantines et corps de playmates avec de beaux dons de traduction, et les figurines de Mr Imagination (Gregory Warmack) sont des totems.
Enfin, les paysages urbains au feutre de Wesley Willis né à Chicago même et dont la vie ressemble à un roman de Dickens, et les cathédrales miniatures d’Aldobrando Piacenza, sont d’une formidable inventivité. Une grande plongée dans une création aussi brute et vaste que le Midwest et qui se vit artiste après artiste.
A noter: Après la Halle Saint-Pierre, l’exposition circulera grâce à Intuit. Le ticket pour l’exposition donne aussi accès à l’étage à Hey IV: l’édition 2019 présente 36 artistes de 17 pays.
©Visuels: YH