Livres jeunesse : La règle d’or du cache-cache de Christophe Honoré et Gwen Le Gac et A la mode de Jean Lecointre
A l’occasion du salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil : deux conseils de lecture tous les jours. Aujourd’hui, un album d’un cinéaste qui encourage à rêver (il faut, toujours !) et un autre qui entraîne dans un étrange royaume obsédé par la mode (les deux pour des enfants à partir de 6-7 ans).
« La règle d’or du cache-cache » a obtenu le Baobab du meilleur album 2010, un prix mérité. L’histoire, c’est celle de Katell, qui « commence à voir des choses un jour où elle joue à cache-cache dans le jardin ». Mais qui peut comprendre – et accepter – que l’on voie des choses ? Pas le père de Katell qui lorsqu’elle lui fait part de ce qui lui arrive « est soudain devenu vert, en tout cas d’une couleur qui s’approche du kiwi écrasé. » « Zinzin », c’est de cette façon que Katell s’entend alors se faire nommer, et ça la rend triste.
Mais finalement, l’enfant comprend que ce qu’on est, ce qu’on a au fond de soi, il ne faut pas l’oublier, le faire disparaître, car comme pour le jeu du cache-cache, la règle d’or « c’est de décider du moment où on permet aux autres de nous trouver. »
C’est un livre très fin sur ce qu’il dit de la nécessité pour les enfants de continuer à rêver, à ne pas considérer l’imaginaire, une quelconque singularité, comme un problème (et ce, même si les parents ne comprennent pas toujours). Il y est question – sans apparats, sans grandiloquence – de liberté d’être soi.
Le dessin – au premier abord un peu surprenant, voire agressif dans ses couleurs et sa désorganisation apparente – s’associe en réalité parfaitement au texte, puisqu’il explore lui aussi l’imaginaire et laisse la place à l’interprétation. Assez abstrait dans ce qu’il offre à voir, avec un côté un peu enfantin et désordonné, il est un appel au rêve.
L’écriture a quelque chose de très cinématographique (à moins que ce ne soit l’influence de savoir que c’est Christophe Honoré, réalisateur bien connu des « Chansons d’amour », de « La belle personne », de « Non ma fille, tu n’iras pas danser » entre autres, qui en est l’auteur). Quand il décrit « Katell, les cheveux trainant dans l’eau comme des algues blondes », difficile de ne pas voir apparaître la petite fille les cheveux dans la rivière. Mais au-delà de cet aspect, l’écriture de Christophe Honoré marque par son ton très direct, sa façon de ne jamais offrir des (tournures de) phrases auxquelles le lecteur peut s’attendre.
Un album magnifique, qui ouvre en grand la porte à l’imagination.
Autre titre qui a pour sujet la différence, et l’importance d’être soi-même, mais qui l’aborde d’une façon radicalement différente ! Moins poétique, beaucoup plus drôle (et décalée).
« A la mode » commence par ce fameux : « Il était une fois ». Mais la suite, elle, n’a rien de classique ! Jean Lecointre se joue des contes traditionnels. Dans le royaume qu’il propose, la Reine ne se demande pas, face à son miroir, si elle est la plus belle, mais face à son ordinateur, si c’est bien elle la plus à la mode. La grande crainte dans ce royaume ? Le Ridicule, cet abominable monstre habitant dans les montagnes. Tous les efforts sont donc déployés pour toujours rester dans l’air du temps ; les modes se succèdent de plus en plus vite, difficile pour les sujets de la reine de toujours suivre (d’autant que la police du bon goût est là pour veiller)… La « dictature » de la mode se voit cependant renversée par l’arrivée d’un cavalier bien mystérieux, un cavalier Naturel.
Pour illustrer le texte ? Des collages, des mélanges assez surprenants de dessins et de photos, constituant des visuels très riches, avec beaucoup de détails – de touches humoristiques – qu’il est plaisant de détailler. Le lecteur découvre à chaque fois de nouveaux clins d’œil de l’auteur.
A travers une histoire totalement loufoque, Jean Lecointre parle d’une société qui elle est bien réelle ; une société obsédée par la mode, le dernier cri… mais qu’elle prenne garde au « Naturel qui revient au galop. » L’auteur joue sur les mots, de même qu’il joue avec son agencement des illustrations, alors… Jouez avec lui !
Petit rappel :
« La règle d’or du cache-cache » de Christophe Honoré et Gwen Le Gac, chez Actes Sud junior
« A la mode » de Jean Lecointre, chez Thierry Magnier