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L’enfant prodige de Michael Kupperman

L’enfant prodige de Michael Kupperman

03 December 2022 | PAR Katia Bayer

Petit et épais ouvrage bleuté, L’enfant prodige de Michael Kupperman ressemble à ces livres de chevet de notre enfance. Il contient en noir et blanc l’histoire de Joel, un enfant prodige, génie américain de shows radios et télévisés, star de son époque et père de l’auteur, récompensé du Prix Eisner en 2013 pour son ouvrage précédent, Moon 1969: The True Story of the 1969 Moon Launch. Si L’enfant prodige a été publié aux USA courant 2018, il aura fallu attendre 4 ans pour qu’il bénéficie d’une édition en français, par l’éditeur belge La 5e Couche.

C’est un livre touchant à bien des égards. On sait à quel point le roman graphique peut être un récit personnel. L’enfant prodige est le premier et dernier lien tissé entre un fils, auteur de BD, et son père, décédé en 2020, professeur de philosophie et surtout jeune expert en mathématiques, dans l’émission phare de l’époque américaine : « Quiz Kids ».

Flashback. A l’âge de 7 ans, à l’aube de la seconde guerre mondiale, Joel Kupperman, le père de l’auteur, cumule les succès à la radio et à la télévision, réussissant des calculs mentaux impossibles. Sa popularité va en grandissant, de même que la jalousie liée à son statut d’enfant star.

Pourtant, Joel souffre de cette attention non désirée et souhaiterait être un enfant normal, comme les autres. C’est sans compter la volonté de sa mère d’accéder à un certain statut social en mettant tous ses espoirs dans Joel et sa soeur Harriet. A cette époque, l’antisémitisme fait rage aux USA, l’enfant devient le petit juif de service, mignon, serviable et poli. Les émissions dans lesquels il participe font office de « propagande pour justifier l’entrée en guerre des USA et la situation très critique des juifs d’Europe ».

En tant qu’adulte, Michael, le fils de Joel, s’intéresse de près à l’histoire de son père, devenu défaillant avec les années. Il raconte les manques affectifs qu’il a ressenti, enfant, l’absence de tendresse de la part de ses parents, sa solitude, son mal-être, mais aussi le silence entourant l’enfance star de son père.

Devenu père à son tour, Michael se plonge dans le passé de Joel. Un passé reconstruit minutieusement grâce à internet, des photos, des coupures de presse, des publicités, toutes les images possibles le représentant. Il associe les objets trouvés à ses souvenirs, à la parole toujours difficile avec son aîné. Celui-ci a oublié, esquive, fait preuve de mutisme par moments.

Le livre est le résultat de son enquête, une main tendue à son père, entre introspection et décryptage du monde impitoyable de la télévision. Un joli geste dont l’émotion ne se départit pas quand le père dit à son fils que « personne ne lui a suggéré de construire une relation avec lui ». Les plus belles pages du livre sont indéniablement celles dénuées de mots, présentes à la fin de l’ouvrage (191, 198-199) où le face-à-face n’est autre qu’une mise au point avec soi-même.

Katia Bayer

L’enfant prodige de Michael Kupperman, édition La 5e Couche, 25€

 

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