
“Le livre des hommes” : l’amour comme la guerre lasse par Nano Shabtaï
Poétesse, dramaturge et metteuse en scène israélienne, fille du poète Aaron Shabtaï, Nano Shabtaï est passée à la fiction avec un premier roman. Demeuré infiniment poétique dans sa forme et cru dans son fond, Le livre des hommes est un bijou traduit par Rosie Pinhas-Delpuech qui arrive chez Actes Sud en février.
Artiste, narcissique, vibrante, sauvage, l’héroïne du livre rend les hommes fous. Et ils le lui rendent bien, même les plus gentils et les plus parfaits qu’elle délaisse pour de vieux barbe-bleus ou des bad boys patentés. De manière quasiment chronologique depuis l’adolescence, Nano Shabtaï retrace les portraits des hommes qui ont pavé sa vie. Le style est brut, cru et presque surréaliste de poésie. La focalisation est interne jusqu’au bout de la vie et l’autre n’est pas une question. Le bal des hommes, qui partagent ennui et couche, est une sorte de tango triste où la solitude prime, où l’épuisement guette et où jamais l’on entend parler de véritable compagnonnage ou même de tendresse.
C’est âpre, c’est prenant et c’est beau. Le texte flirte avec le cynisme sans jamais tomber dedans car trop d’efforts sont faits pour observer les moindres détails. Du coup, même les plus glauques prennent du relief et confèrent à ce qui pourrait être une litanie d’insatisfaction une chair ferme, puissante. Par-delà le manque de lien et le mâle, c’est donc la vie qui prime dans ce texte unique, inclassable et qui dépasse toutes les considérations de genres et tous les clichés de l’éducation sentimentale. Âpre et magistral.
Nano Shabtaï, Le livre des hommes, trad. Rosie Pinhas-Delpuech, Actes Sud, 295 p., 21,50 euros, Sortie le 3 février 2021.
visuel : portrait de l’auteure © Iris Nesher