
La guerre froide en littérature par Manuel Vargas Llosa
Le plus talentueux des écrivains sud américain, Mario Vargas Llosa évoque un épisode méconnu de la guerre froide côté américain avec le talent littéraire qui est le sien.
Des protagonistes hors du commun
Totalement inconnus du grand public, Edward Bernays et Sam Zemurray ont marqué l’histoire et sont à l’origine de ce roman. Bernays est l’inventeur de la communication moderne, son livre Propaganda, pourtant daté de 1928 est une référence. Il est le premier propagandiste de l’histoire et l’inventeur des « fake news ». Zemurray est un immigré russe qui fait fortune aux Etats Unis dans le commerce d’importation de bananes sud américaines ; il en détient même le monopole avec la United Fruit Company, une sorte de « word company » avant l’heure comme l’aurait décrit le Commandant Silvestre dans feu Les Guignols de l’info. Ils étaient faits pour se rencontrer, l’un pour garder le monopole sur son commerce lucratif, l’autre pour mettre en place l’une des plus grandes opérations d’intoxication de tous les temps.
A côté de ces deux figures, les autres héros du roman, le président du Guatamela, Jacobo Arbenz, le colonel Castillo Armas ou Miss Guatemala feraient presqu’office de figurants.
Un contexte exceptionnel
Dans ce début des années 50, les Etats Unis règnent sur l’Amérique centrale et du sud, leurs compagnies y exercent des activités quasi monopolistiques et le plus souvent, tiennent les voies de communication.
Le président Arbenz choisit, horreur, de faire payer des impôts à la United Fruit Company. Il envisage aussi une réforme agraire pour faire entrer son pays dans la modernité.
Dans ce contexte de guerre froide, Arbenz qui n’est pas communiste et qui admire les Etats Unis pour leur libéralisme, est renversé par le pays même qu’il veut imiter.
Bernays et Zemuray ont organisé en achetant notamment les grands médias américains et en convainquant les dirigeants une vaste opération de propagande mensongère qui a abouti au renversement de Arbenz, remplacé par un dictateur à la solde des Etats Unis.
Un exemple à ne pas suivre
Orchestré par la CIA en 1954, ce coup d’état retarde la démocratisation de ce continent d’un demi-siècle, ruinant toutes les tentatives de démocratisation. L’auteur pense même que la radicalisation du leader maximo de Cuba, Fidel Castro, fait suite à ce coup d’état.
Un livre à lire pour l’histoire et la littérature.
Mario Vargas Llosa, Temps sauvages, rad. de l’espagnol (Pérou) par Albert Bensoussan et Daniel Lefort, 383p, 23€
visuel : couverture du livre