Fictions
Dans «Vies dérobées», Cinzia Leone explore un secret qui ne passe pas

Dans «Vies dérobées», Cinzia Leone explore un secret qui ne passe pas

13 July 2021 | PAR Jean-Marie Chamouard

Cinzia Léone est une journaliste et romancière italienne . Dans Vies Dérobées elle retrace la vie de deux familles à travers un vingtième siècle tourmenté. Un lourd secret va hanter la famille d’Ibrahim.

Partie I De Jaffa à Alexandrie

A Jaffa, le 19 Avril 1936 plusieurs familles juives sont massacrées par des arabes extrémistes. Les corps d’Avraham Azoulay, de sa femme et de sa fille gisent dans la cour. Leur voisin et associé turc, Ibrahim Özal décide d’usurper son identité. Ibrahim devient Avraham, par peur, par cupidité mais aussi pour se fuir lui-même, car «il ne s’estimait guère». Il emmène sa famille à Istanbul, Djerba puis Alexandrie pour récupérer la précieuse cargaison de coton achetée par le défunt. Mais il est confronté à l’opposition farouche, dramatique, de sa femme Miriam symbolisée par les arabesques sanglantes peintes en henné sur son corps. Enfin riche, il gagne la Suisse avec sa fille Havah et Stella la gouvernante. Devenue sioniste, Havah s’enfuit en Israël pour se marier dans un kibboutz . Mais Avraham gardera son lourd secret.

Partie II L’Italie

Le lecteur part ensuite en Italie à la découverte d’une autre famille. Guiditta et Tobia sont deux adolescents livrés à eux même après le décès de leur mère et l’exil de leur père, Davide Cohen, prisonnier politique car juif et anarchiste. Ils ne peuvent compter que sur quelques adresses données par leur père alors que les discriminations contre les juifs s’aggravent. Puis vient le chaos de la guerre et la vie clandestine alors que les allemands occupent l’Italie. L’histoire des deux familles se rejoint lorsque Ruben, le fils d’Havah et Esther la fille de Guiditta se rencontrent en 1991. Lui est juif orthodoxe, elle a une double identité juive par sa mère et chrétienne par son père. Quand ils se rendent en Israël pour se marier, le secret d’Ibrahim resurgit.

Une saga familiale romanesque

Cinzia Léone a écrit une saga familiale, dont l’écriture est fluide, la lecture agréable.C’est aussi une épopée, ne manquant pas de souffle romanesque. Le personnage d’Ibrahim-Avraham est complexe, à la fois sans pitié, déterminé à s’enrichir à tout prix mais aussi fragile, hanté par le décès de sa femme. Le roman est un voyage dans le monde méditerranéen des années trente et une immersion dans la communauté juive alors importante à Djerba, la Jérusalem Africaine. La menace du nazisme et du fascisme ,d’abord lointaine avant de devient omniprésente, même depuis Bâle, pendant la guerre. L’auteur décrit bien l’Italie fasciste, la montée des périls, l’arrivée de la guerre, la complexité de la situation politique et militaire à partir de 1943. Le sort dramatique des juifs Italiens tient une place importante dans ce roman. C’est surtout un livre sur l’identité, une identité usurpée par Ibrahim, dérobée pour Havah, assumée pour Guiditta . Elle est un écheveau pour Esther et un refuge pour Ruben.
Des personnages complexes et attachants, des histoires d’amour, un contexte historique très présent, un regard tendre sur l’identité juive: le roman de Cinzia Léone est riche de ses multiples facettes. Un bon choix de lecture pour les vacances.

Cinzia Leone, Vies dérobées, traduit de l’italien par Marianne Faurobert, Éditions Liana Levi, 546 pages, 23 euros, sortie le 6 mai 2021.
visuel : couverture du livre

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Jean-Marie Chamouard

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