
“Révolution” de Enzo Traverso : voyage au cœur des “locomotives de l’Histoire”
Les éditions La Découverte publient le nouvel ouvrage de l’universitaire italien, un volume consacré à l’analyse de la révolution dans ses appréhensions culturelles et politiques. Il nous offre ainsi un riche panorama des différentes acceptions du mot et des imaginaires qu’il véhicule.
Une approche thématique
La révolution, chez Traverso, c’est à la fois celle de ses promoteurs et de ses rédempteurs, des hommes – et femmes – d‘action et des doux rêveur.se.s. Se refusant à une approche chronologique, l’universitaire nous propose un panorama du mot et de la chose en nous embarquant, grâce à une approche thématique, dans un parcours sinueux, entre représentations et réalités.
Des corps et des trains
Notons d’emblée que c’est sur cette question de la représentation que s’ouvre le livre, lequel commence sur deux chapitres consacrés à deux images topiques de la révolution, le train et le corps. Le train, c’est bien entendu la métaphore marxiste des “locomotives de l’Histoire”, mais aussi le symbole de la révolution industrielle et le train, non moins fameux, qui servait de QG à Léon Trotsky. Quant au corps, il s’agit tout aussi bien de celui, idéalisé que les intellectuels révolutionnaires prêtent aux ouvrier.e.s, que de la bestialisation, voire de la réification, que la plume des penseur.se.s réactionnaires font subir à ce même corps. Des affiches et photographies illustrent cette réflexion sur ces représentations récurrentes de la révolution.
Du “paria conscient” au “compagnon de route” du PCF
La révolution, bien entendu, n’est pas faite que d’images : de larges chapitres s’intéressent aux idées révolutionnaires, tout comme aux figures des intellectuel.le.s qui les ont fait naitre. Là encore, les détracteurs de la révolution, de Edmund Burke à Carl Schmitt, ont droit de cité, à côté de révolutionnaires convaincu.e.s comme Marx ou Kollontai. Entre “compagnons de route” du PCF et “parias conscients”, Enzo Traverso nous propose une analyse assez précise des conditions d’émergence de la pensée révolutionnaire. Un dernier chapitre est d’ailleurs consacré aux divers aspects du “caméléon communiste”, du stalinisme russe à ses composantes anticoloniales.
Un ouvrage très complet et érudit, qui prône un véritable décentrement de l’idée révolutionnaire hors des frontières européennes et se lit, grâce à un style alerte où pointe l’enthousiasme, avec un véritable plaisir.
Révolution. Une histoire culturelle, Enzo Traverso, traduction de Damien Tissot, 461 pages, 25€ (version numérique : 16.99€)
Visuel : La Découverte