Essais
“Le droit d’aimer” de Anne-Marie Mariani

“Le droit d’aimer” de Anne-Marie Mariani

02 February 2014 | PAR Christophe Dard

Dans cet ouvrage émouvant qui vient de paraître aux Editions Kéro, Anne-Marie Mariani parle de son existence passée à supporter et assumer le fait d’être la fille d’un prêtre et d’une religieuse et prend parti en faveur du mariage des prêtres.

Le droit d'aimer C’est l’histoire d’un tabou, celui des enfants du secret, ces enfants nés d’unions jugées déshonorantes par certains. Anne-Marie Mariani est de ces enfants qui doivent supporter la culpabilité, la honte et la douleur.

Pour elle, tout a commencé par une rencontre de deux personnes que la vie n’a pas épargné et qui seront bientôt les parents d’Anne-Marie. Elle, Marie-Paule, la femme sans père et qui perd sa mère â l’âge de 15 ans avant de devenir religieuse au sein de l’ordre dominicain et de partir à Oran en 1938 pour y diriger un dispensaire.

Lui, Prosper, a grandi dans un milieu paysan en Franche-Comté. Ses parents ont décidé qu’il serait curé et après son ordination il devient prêtre dans un village du Doubs, les Fins. S’ensuit une période difficile, marquée par la solitude, le deuil, la maladie et finalement une mesure de rétorsion. Il est envoyé à Oran car dans le Doubs sa hiérarchie l’a suspecté d’entretenir une relation avec une jeune femme alors qu’il s’agissait simplement d’une amie.
En 1948, Marie-Paule et Prosper se rencontrent à Oran en Algérie. Le prêtre déprimé et malade venu de Franche-Comté se fait soigner au dispensaire par Marie-Paule et reprend goût à la vie. Il devient vicaire de la cathédrale d’Oran, s’occupe des scouts et devient aumônier en prison. L’histoire d’amour commence avec Marie-Paule et Anne-Marie naît en 1951.

Mais la liaison est de courte durée et les années d’enfance et d’adolescence d’Anne-Marie sont difficiles. Elle est placée dans une famille adoptive jusqu’à ses 3 ans, son père est absent car toujours prêtre à Oran. Finalement, toute la famille finit par se retrouver en France, Marie-Paule et Prosper finissent même par se marier, mais au prix de nombreuses difficultés, entre manque d’argent et déménagements successifs.

De l’enquête à l’engagement

Anne-Marie Mariani a vécu dans le mensonge et l’ignorance. Elle n’a su que tardivement que sa naissance était le fruit de l’amour d’une mère religieuse et d’un père prêtre.

Depuis le début des années 90, quelques années après le décès de ses parents, elle enquête donc pour savoir d’où vient cette famille, de la Franche-Comté à Oran en passant par Paris et Toulon. Elle a rencontré toutes les personnes susceptibles d’avoir connu ses parents et ce livre est le résultat d’un puzzle familial enfin reconstitué.

Mais Le droit d’aimer n’est pas que le témoignage autobiographique et bien écrit d’une femme en quête de vérité. C’est aussi une critique contre certaines attitudes de l’Eglise. Par exemple, Prosper n’a pas pu se rendre aux obsèques de son père car selon un décret du Moyen-Age, les prêtres et les évêques vivant en concubinage n’ont pas le droit d’entrer dans une église.
L’ouvrage est surtout un plaidoyer en faveur du mariage des prêtres, une injustice pour Anne-Marie Mariani qui a créé Les Enfants du Silence, une association pour offrir un lieu d’écoute à celles et ceux qui vivent la même situation.

Christophe Dard

Le droit d’aimer, de Anne-Marie Mariani. Editions Kéro. 160 pages. 17 euros.

Visuel: © Couverture du livre.

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Christophe Dard
Titulaire d’un Master 2 d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Christophe Dard présente les journaux, les flashs et la chronique "L'histoire des Juifs de France" dans la matinale (6h-9h) sur Radio J. Il est par ailleurs auteur pour l'émission de Franck Ferrand sur Radio Classique, auteur de podcasts pour Majelan et attaché de production à France Info. Christophe Dard collabore pour Toute la Culture depuis 2013.

6 thoughts on ““Le droit d’aimer” de Anne-Marie Mariani”

Commentaire(s)

  • Ansermoz-Mariani

    Bravo ma cousine pour ce livre qui m’a émue et qui m’a rappelé certains évènements enfouis au fond de ma mémoire. Bisous. Michelle.

    February 6, 2014 at 15 h 13 min
  • CAMPONOVO

    Ce témoignage a ému une bonne partie de mon village francomtois où votre père y est né et y a vécu.Grande fut notre surprise à l’écoute de votre histoire, qui semble t’elle n’est pas une exception. Beaucoup de paroles se délient et font apparaitre que bien des prêtres ont agi ainsi par le passé. A cette époque là cela était tabou et hors norme. Il fallait se cacher afin d’éviter le regard des autres et des rumeurs qui en découlaient. Belle preuve de courage de votre part. Félicitations et j’espère que cela fera “tache d’huile” pour d’autres personnes dans votre cas.

    February 7, 2014 at 22 h 58 min
  • Lequang Paul

    Bouleversante et émouvante que l’histoire et la vie de cette famille que j’admire et à qui, il y a longtemps, que le droit d’aimer aurait dû être reconnu, car il y a longtemps que l’église comme la société aurait dû reconnaître ce droit aux religieux. Mais malheureusement, les mentalités ont du mal à évoluer et à
    reconnaître les évidences comme celle que Raoul Follereau et beaucoup d’hommes et de femmes de Dieu ont su exprimer par des mots simples: “La seule vérité, c est de s’aimer.” Pour moi, Prosper et Marie-Paule dont je trouve la foi admirable, ont vécu dans la vérité de l’amour et mérite le plus grand respect. Qu’ils poursuivent ensemble leur admirable chemin d’amour, là où ils sont, et que leur couple soit béni pour l’éternité par le Dieu d’amour qu’est Le Père Céleste!

    February 8, 2014 at 0 h 31 min
  • Lequang Paul

    Bonne continuation au “Enfants du Silence”!
    Merci à Anne-Marie Mariani pour son livre que j’ai beaucoup, beaucoup aimé.

    February 8, 2014 at 0 h 34 min
  • Article tres interessant! Beau blog :-)

    February 20, 2014 at 20 h 14 min
  • Madame, votre livre est un des plus beaux livres qu’il m’ai été permis de lire jusqu’à maintenant (j’ai 82 ans). Je l’ai ressenti au plus profond de moi-même :tout d’abord, l’histoire à la fois dramatique et merveilleuse de vos parents et dans la deuxième partie du livre, votre façon de juger ce que les hommes ont fait de notre religion à laquelle j’adhère pleinement. Je veux aussi vous dire que je suis d’Oran et que j’ai connu votre papa qui était notre aumônier à L’Institution Saint Jeanne d’Arc. Nous l’aimions beaucoup et, c’est vrai, nous le trouvions très beau.
    Merci, chère madame,pour cette narration exceptionnelle !

    September 9, 2015 at 9 h 42 min

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