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Catalogue de l’exposition « De Van Eyck à Dürer : les Primitifs flamands et l’Europe centrale (1430-1530) » : une extraordinaire pièce éditoriale

23 March 2011 | PAR Mikaël Faujour

Fin janvier 2011, s’achevait à Bruges une exposition majeure, d’envergure internationale, consacrée à la diffusion de l’héritage des Primitifs flamands en Europe centrale et Europe de l’est. Bornée chronologiquement par Robert Campin et Jan Van Eyck d’une part, et par le voyage d’Albrecht Dürer dans les anciens Pays-Bas d’autre part, celle-ci a rassemblé des chefs d’œuvre de tout premier plan de la part de maîtres majeurs tels Rogier van der Weyden, Stefan Lochner, Hans Memling ou Martin Schongauer. Le merveilleux catalogue édité par Hazan rend compte de cette exposition-événement qui a fait la lumière sur la peinture dans des territoires (Hongrie, Moravie, Pologne, Pays baltes…) souvent oubliés des manuels d’histoire de l’art et donc souvent méconnus.

Il y a quelques mois, durant un trop court trimestre (mais au vu des joyaux rassemblés, difficile d’imaginer qu’elle pût durer plus longtemps), le Groeningen Museum de Bruges accueillait une exposition majeure. « De Van Eyck à Dürer : les Primitifs flamands et l’Europe centrale (1430-1530) », comme son titre l’indique, se penche sur l’influence irradiante de l’art septentrional sur l’Europe centrale, zone géographique correspondant actuellement à l’Allemagne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Pologne et aux Pays baltes.

Quand il est question de l’art européen des XVe et XVIe siècles, les ouvrages d’histoire de l’art s’attardent longuement sur les écoles septentrionales (anciens Pays-Bas et Allemagne) et italiennes. Et rares sont les artistes d’autres régions à être mentionnés.

Cela ne signifie pourtant nullement l’infécondité artistique des autres régions européennes, ni l’inintérêt des œuvres y créées. Il y a surtout que l’histoire enseignée met logiquement en avant les grands centres et artistes qui ont dirigé son cours par leur génie, par leur nouveauté révolutionnaire et/ou la perfection de leur exécution. Or, que se passait-il hors des Flandres, hors de Cologne et hors d’Italie ? La remarquable exposition « France 1500 », à l’automne dernier, au Grand Palais, avait permis au grand public de découvrir quelques grands maîtres (Jean Hey, Jean Poyet, principalement) témoignant d’une sensibilité et d’une excellente connaissance des traditions flamandes et italiennes. Ce faisant, l’exposition mettait à mal l’idée selon laquelle la France serait soudain passée du Moyen-Age à la Renaissance grâce à François Ier. Elle attestait au contraire de la circulation des artistes, des idées et des œuvres, et de la bonne connaissance des nouveautés formelles septentrionales et méridionales.

Mais, tandis que l’exposition parisienne était centrée sur la France du tournant du XVIe siècle, celle dont rend compte le présent catalogue dresse un panorama sélectif saisissant sur rien moins qu’un siècle de créations et quelque 300 tableaux et dessins (?), dont de nombreuses pièces majeures de l’histoire de l’art européen. Au vu des œuvres exposées, très peu apparaissent comme médiocres, et l’on découvre une intense richesse de l’art d’Europe centrale, dans le sillage des Primitifs flamands (Campin, Van Eyck, Van der Weyden, Bouts, Memling, Van der Goes…), dont les motifs et les techniques ont eu une influence capitale.

L’exposition a permis de faire découvrir des artistes qui, s’ils n’atteignent pas les hauteurs de génie d’un Van Eyck ou d’un Dürer, n’en sont pas moins remarquables de finesse d’exécution et de beauté. Elle rappelle aussi l’intensité des échanges et la circulation à l’échelle d’un continent entier d’hommes, d’idées, de motifs et d’œuvres, donnant lieu à des synthèses diverses selon les régions et ateliers. Au côté des Stefan Lochner, Martin Schongauer ou Konrad Witz, divers artistes de grand mérite sont donc à découvrir dans ce livre, état des lieux de recherches en cours, particulièrement passionnantes – a fortiori pour tout passionné de la sensibilité picturale nordique.

 

« De Van Eyck à Dürer : les Primitifs flamands et l’Europe centrale (1430-1530) », éd. Hazan, 2010, 55€, 380 pages

 


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