
1984, le chef d’œuvre de la science fiction mis en roman graphique
Ecrit en 1948, 1984 de Georges Orwell a appris à de nombreuses générations les ravages de la dictature et de la manipulation. Une œuvre salutaire et actuelle, que revisite le dessin constructiviste de Xavier Coste.
1948, la fin de la guerre et les débuts de la télévision
Rarement un livre n’aurait aussi bien décrit sous forme de roman les ravages du totalitarisme. Dans un monde sans date, ni passé, on le situe dans les années 1970, la population vit entièrement soumise à Big Brother et « au parti ». Ce dernier contrôle la politique, l’économie, mais aussi la langue et la pensée. Penser contre le parti est passible d’exécution. Alors qu’en 1948, la télévision n’en est encore qu’à ses balbutiements, Georges Orwell imagine des télécrans partout qui vous regardent et vous écoutent même dans votre intimité.
Un roman graphique réussi
Transposer une telle œuvre en roman graphique relève de l’impossible tant ce livre a marqué l’histoire, par la force de son anticipation.
A la fois scénariste et illustrateur de talent, Xavier Coste a su mettre en images et dessins 1984. Alternant les différents univers dans un subtil jeu d’ombres, de couleurs et de lumières, Xavier Coste parvient à suivre l’évolution des personnages.
Winston, un homme ordinaire, employé du Ministère de la Vérité, est chargé, en permanence de réécrire l’histoire et d’appliquer la novlangue qui vise à supprimer toute pensée évoluée, tout subtilité de langage. Malgré la pression permanente du parti, par télécran interposé, il parvient à souvenir qu’un autre monde existait avant et que Londres n’a pas toujours été la ville sinistre qu’il habite. Ville d’autant plus sinistre qu’elle est peuplée, loin des ministères, de quartiers abandonnés habités par des prolétaires. Le contraste visuel entre les deux univers est saisissant dans la BD. Le passage au dessin de ce livre culte relevait du pari impossible ; il est gagné grâce au talent de Xavier Coste qui a su garder la narration du livre tout en mettant en dessin le totalitarisme.
Un roman d’anticipation et une uchronie très actuelle.
En 1948, Georges Orwell est déjà un journaliste réputé. Il a su saisir les ressorts des dictatures hitlérienne et stalinienne qu’il dénonce dans son roman. Il a compris avant beaucoup de monde les dangers des médias et leur utilisation possible pour empêcher toute pensée critique. Il a longtemps servi de référence pour dénoncer la télévision qui s’installera progressivement dans les foyers du monde entier.
Il ne pouvait connaître Internet qui n’existait pas encore en 1948. Pourtant son télécran ressemble furieusement à un mélange à nos réseaux sociaux, nos applications, nos smartphones et autres assistants vocaux qui ont pris le contrôle de nos vies, avec notre assentiment complet. Quant à la dictature stalinienne qui est dénoncée dans 1984, à l’heure que nous vivons, ne ne pouvons pas ne pas penser à une autre figure d’autocrate russe qui suscite la peur.
Georges Orwell, Xavier Coste, 1984, Ed Sarbacane, 236p, 28€
visuel: couvrture du livre