Maison d’Europe et d’Orient

Maison d’Europe et d’Orient

17 December 2012 | PAR maison_deurope_et_dorient

Le Septième Kafana est un projet sur les femmes vendues, les esclaves sexuelles et les femmes revenues. Ses auteurs sont des artistes engagés en République de Moldavie. L’étonnement terrible qu’il y ait un trafic de femmes dans une Europe qui tente paradoxalement une parité de plus en plus grande. Il y a eu la chute du Mur, la guerre des Balkans. Nicoleta Esinencu, Mihai Fusu et Dumitru Crudu, alertés dans leur statut de citoyen et d’intellectuel décident, à l’aide de l’écriture dramatique, de faire acte de prévention face à l’ignorance dans laquelle se trouvent la plupart des femmes volées. L’art comme conscience. Ils sont allés à la rencontre de femmes revenues, des rescapées de la traite, et ont présenté Le Septième Kafana dans les petites villes et les villages de Moldavie. « Kafana » signifie « bar » ou « bar à café » dans certaines régions d’Europe du Sud-Est. Lors d’entretiens avec les femmes victimes de la traite, les kafanas étaient mentionnés comme les lieux dans lesquels elles avaient été exploitées. Les femmes ont été vendues d’un kafana à l’autre.
Le nombre sept est symbolique et réel à la fois. Il reflète l’histoire d’une femme qui a réussi à s’enfuir de cette situation d’exploitation et de coercition lorsqu’elle se trouvait au septième kafana. Au-delà de sept kafanas une femme perd la vie ou sombre dans la démence. Le texte est construit à partir de récits et d’interviews où les questions ne sont pas toujours présentes mais se devinent dans les récits énoncés. Il y a une pauvreté de la langue, comme si les auteurs s’étaient attachés à faire entendre la misère culturelle d’une classe sociale asphyxiée économiquement. Pour la première fois, ce n’est pas tant l’écriture qui nous appelait que cet acte politique d’entendre ce qui est ordinairement tu. Un acte politique proche de celui du théâtre documentaire. Mais Le Septième Kafana est hybride, il se situe entre la fiction et le documentaire, avec des figures masculines qui proposent des situations dramatiques, de ce fait des personnages dramatiques, contrairement aux femmes qui témoignent dans une retenue, une distance nécessaire, une incarnation sensible, toujours en décalage. Il n’y a pas de retranscription poétique ou singulière dans l’écriture donnée à leurs témoignages. Au début du 20ème siècle, des auteurs tels qu’Aragon ou Proust dessinaient des maisons closes où le sordide côtoyait le poétique. Ici, le poétique a disparu au profit d’une syntaxe dure, froide. La prostitution a comme changé de visage et, alors, l’espace de la parole se trouve violenté. La prostitution forcée, organisée par des réseaux criminels, a enlevé le langage. L’écriture est brute. Notre désir est de porter la parole de ces femmes dans l’espace vivant qu’est un plateau de théâtre. Le Septième Kafana est de cet ordre : sous l’effroi il y a la vie sensible, celle que l’on ne peut atteindre.

ANTISEXTILE w/ Ethel Swan, David M, Ben Dover, Eric Labbé, Pile-Poil
Fanch + Alee + Jean-François Lessard
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