
“Metronom” interroge notre rapport à la trahison
Premier long-métrage de fiction de Alexandru Belc, Metronom nous conduit dans les soirées de la jeunesse roumaine des années 1970. Il a obtenu le Prix de la mise en scène dans la section “Un Certain Regard” à Cannes en 2022.
Une histoire d’amour et de musique ?
Ana a 17 ans. Elle passe le bac à la fin de l’année avec ses ami.es du lycée. Surtout, c’est une jeune fille romantique, amoureuse d’un certain Sorin. Depuis qu’elle la rencontré, ses paroles et pensées ne tournent plus qu’autour de lui. Or, Sorin, ne fait partie de la bande que de loin : le voir nécessite une véritable organisation. C’est pourquoi elle se rend à la fête donnée par sa meilleure amie. Les jeunes gens, fans de l’émission de radio Metronom, une radio pirate qui fait découvrir à la jeunesse roumaine les standards de la musique pop contemporaine, comptent écrire lors de cette soirée à l’animateur de l’émission en question. Sorin, qui prétend avoir ses entrées à l’Ouest, lui transmettra la lettre. Mais, sitôt qu’il a quitté les lieux, la police déboule.
Une histoire de fidélité et de trahison
Plus qu’une histoire d’amour ou l’évocation du passé, récent, de la Roumanie de Ceaucescu, c’est la question de la trahison que Alexandru Belc filme ici. Lors de leur garde à vue, les adolescent.es sont en effet sommé.es de rédiger un compte-rendu de la fête au cours duquel iels doivent dénoncer qui a apporté les disques de musique occidentale. Il est déconcertant de voir avec quelle facilité toutes et tous, à l’exception de la si sage Ana, prennent la plume, espérant troquer un morceau de liberté contre le nom de celles et ceux qui étaient encore il y a peu leurs ami.es. Quant à Ana, si elle résiste, son père, professeur de droit à l’université de Bucarest, fait jouer ses relations pour accéder à elle durant sa garde-à-vue et tenter de la convaincre de témoigner contre ses camarades.
Le personnage d’Ana est ainsi au cœur du film. Seule véritable résistante malgré ses airs d’enfant bien élevée, elle oppose à ses bourreaux le visage décidé, presque buté, de celle qui a la morale de son côté. A la manière d’une Antigone qui brandissait la supériorité des lois de la famille sur celle de l’État, elle proclame la toute-puissance des liens de l’amitié. Aussi la caméra ne la quitte-t-elle pas d’une semelle : sa gravité simple, dans son uniforme d’écolière, traverse les fêtes comme les prisons. Mara Bugarin, qui l’incarne, aimante le spectateur avec son visage apparemment si lisse. Et nous force à nous demander : resterions-nous aussi fermes sur nos principes ?