Cinema
[Étrange Festival 2018] “Amalia”, film ambitieux aux effets un peu décevants

[Étrange Festival 2018] “Amalia”, film ambitieux aux effets un peu décevants

09 September 2018 | PAR Geoffrey Nabavian

Devant ce thriller dramatique et expérimental réalisé par l’ancien guitariste de Mars Volta, la déception peut poindre : en mêlant chronique sociale, drame policier et thèmes mystiques, et en saupoudrant le tout d’effets un peu lourds, on peut trouver qu’il aboutit à un mélange qui manque de souffle.

Pas facile de parler d’Amalia, essentiellement parce que le film fut vendu comme un objet très marquant, juste avant sa projection. On choisira donc de livrer par écrit un ressenti purement personnel. Amalia débute de façon intrigante : réalisé en noir et blanc, il donne à suivre une jeune femme d’El Paso (la Amalia du titre) dans son existence, entre famille un peu plongée dans les affaires louches, fidèle meilleure amie, alcool, drogue et célébrations religieuses. Avec aussi au programme, un amant.

Les ellipses sont nombreuses, le montage génère du mystère, le ton capte l’attention. L’amant précédemment évoqué meurt : accidentellement, ou de sa propre main, nul ne sait. A son enterrement, Amalia remarque une jeune femme au visage dur, qu’elle avait aperçue dans l’appartement de son amour défunt. Elle va se rapprocher de cette mystérieuse et inquiétante Tania, jusqu’à devenir, même, son amante. Mais l’instabilité ambiante, et cette situation inattendue, vont bientôt détraquer le climat du film.

Trois ingrédients, mais peu de souffle

Signé par Omar Rodriguez-Lopez (ancien guitariste de Mars Volta, et réalisateur de Los Chidos, film très applaudi à l’Étrange Festival il y a quelques années), et présenté dans la Compétition Internationale de l’Étrange Festival 2018 (où le bien plus abouti The Dark reste à découvrir), Amalia ne se limite pas à ce mélange de réalisme et de thriller dramatique : des éléments mystiques s’invitent au sein du récit. Aux séances de célébration religieuse s’opposent des séquences où un étrange esprit s’adresse à l’héroïne, et semble lui dicter une conduite inflexible, lui intimant notamment l’ordre de “posséder totalement” sa nouvelle amante Tania. Soit. Devant un tel matériau, le sentiment intrigué dure un petit moment. L’ennui, c’est que ces différents éléments mêlés n’accouchent pas d’un résultat très prenant.

Si l’aspect peinture social apparaît juste, et si le rythme du thriller peut intéresser, avec des personnages bien incarnés, le volet mystique laisse un peu de marbre : les effets employés pour le traduire sont assez lourds, abscons, et le fameux esprit qui devise ne livre aux oreilles des spectateurs que des banalités, enveloppées dans un style pseudo-poétique pas très convaincant. De plus, ce mélange paraît au final raconter une histoire assez déjà-vue, recouverte d’un vernis pseudo-mystérieux. “Tout ceci doit avoir un sens symbolique, à vous de le trouver…” semblent nous dire les images. Mais on n’en voit pas… Ce récit en forme de thriller et de drame ne semble pas avoir de portée originale et inédite…

Après réflexion, on se dit que, peut-être, le sens est le suivant : en sautant à la suite de l’étrange Tania, l’héroïne Amalia s’est, peut-être, mariée à la mort. L’esprit qui exige des choses serait donc une personnification de cette dernière… Mais si telle est la chose à comprendre, on peut trouver qu’elle est suggérée avec beaucoup de lourdeur, tant et si bien qu’on l’accueille sans sourciller. Pas très bien dosé dans ses effets, Amalia est un film qui paraît céder sous le poids de son ambition, pas très bien mise en images. Sa musique, originale mais pas extrêmement bien utilisée, son actrice principale, tout de même brillante (Denise Dorado), et sa mise en scène, maîtrisée mais gâchée par ces maudits effets, ne peuvent pas faire grand-chose pour le rendre captivant sur la longueur.

La Compétition Internationale de l’Étrange Festival se poursuit jusqu’au 16 septembre. Si Amalia est projeté à nouveau le 13 septembre à 19h45, le subtil The Dark, beaucoup plus abouti (critique ici), est à revoir le 11 septembre à 16h15.

Amalia, un film d’Omar Rodriguez-Lopez. Avec Denise Dorado. Genre : Thriller / Drame / Expérimental. Durée : 1h36. Interdit aux moins de 12 ans.

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Visuel : © Omar Rodriguez-Lopez / Chris Lewels / Adam Thomson

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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