Cinema
Dounia et la princesse d’Alep au Trianon

Dounia et la princesse d’Alep au Trianon

30 November 2022 | PAR Camille Curnier

Le Festival du film franco-arabe se tient cette année du 18 novembre au 1er décembre au cinéma Le Trianon de Noisy-Le-Sec. Dans le cadre d’une programmation jeunesse organisée le 26 novembre, les jeunes spectateurs ont eu l’occasion d’assister à la projection de Dounia et la princesse d’Alep  avant de participer à un atelier graphique organisé au sein du cinéma.

 

“Les yeux du cœur voient tout ce qui est caché…”

Une nuit de pleine lune au pied d’un arbre, Leila est apaisée par la prose de son bien-aimé. Six mois plus tard, à l’heure où les premiers bourgeons éclosent et où les oiseaux chantent, c’est au cœur de la province d’Alep que la petite Dounia voit le jour. Sa chevelure héritée de sa mère nous rappelle les nuits calmes d’été où les étoiles brillent haut dans le ciel. Un bonheur qui ne durera pas longtemps puisque sa mère sera emportée peu après par la maladie et son père par la répression syrienne. Elevée par ses grands-parents, c’est à travers ses yeux que nous découvrons la jolie province d’Alep avec ses rues pavées fleuries de jasmins et de grenadiers, ses hauts murs blancs et ses couleurs épicées. Un prénom donné aux petites filles dans le monde arabe qui signifie “le monde et ses richesses” et qui image tout ce qu’abrite Dounia en elle: une joie de vivre généreuse et une insouciance des rencontres. De grands yeux noirs d’enfants qui regardent le monde avec naïveté et dans lesquels le doute ne s’immisce que très brièvement pour laisser place à la magie du rêve et de l’imagination.

Entourée des siens, elle devra faire face à la décision de sa famille de quitter la ville submergée par les bombardements depuis le début de la guerre civile. Même si Dounia perd tout ce qui lui est cher, le monde semble lui appartenir. Le périple s’annonce long et douloureux.  Loin des confitures de roses et des jolies mosquées, l’incompréhension se fait lire dans les yeux de la fillette qui ne comprend pas pourquoi son père est toujours en prison et pourquoi ils doivent quitter leurs pays pour rejoindre l’Europe. Malgré la profondeur des blessures, Dounia décide de vivre la vie comme une expérience avec espoir. Les adultes la réconfortent et la protègent des réalités du monde, on lui dit que tout ira bien, que beaucoup l’ont fait avant eux et que bientôt, ils auraient une nouvelle maison.

On ne quitte jamais sa maison Dounia. Parce que ta maison, c’est le monde entier, et sa porte est juste ici dans ton cœur.”

Pour s’évader, Dounia voit le monde avec légèreté au travers de mythes et d’histoires imaginaires. Illustrés comme de la magie dans le court-métrage, ces instants qui s’immiscent dans le réel, c’est tout ce que Dounia voit “avec les yeux du cœur”. Un monde caché qui permet de souffler un instant et de la protéger d’une réalité plus dure et à laquelle elle est confrontée brutalement. Elle est accompagnée par la princesse d’Alep dans sa traversée de la nuit et qui illumine le ciel avec les étoiles de ses cheveux et la douce lune de son visage. Une figure imaginaire et maternelle très importante pour Dounia. Le conte de la princesse d’Alep lui rappelle sans cesse la petite histoire que lui racontait Téta Mouné sur la façon dont sa mère est parti vivre chez le roi des nuages.

Un monde magique dans lequel Marya Zarif nous transporte avec son univers coloré inspiré de la culture arabe avec laquelle elle a grandi. Née en Syrie dans une famille cosmopolite trilingue, la réalisatrice souhaite traduire le monde à l’autre, le raconter en faisant vivre ses histoires et ses dessins. Dounia et la Princesse d’Alep, c’est le récit lyrique de la douleur de l’exil où la magie et les liens humains permettent de s’échapper d’une réalité tragique. Le court-métrage est délicat et simple et permet d’introduire un discours d’humanité et d’altruisme chez le plus jeune public de la salle.

La beauté de l’humain au-delà des stéréotypes et des clichés qu’on lui colle. Dounia et la princesse d’Alep raconte également le récit de l’entourage de Dounia. Des personnages à contre-courant des imaginaires collectifs et une palette diversifiée d’hommes et de femmes. Marya Zarif explique que la Syrie dans laquelle elle a vécu donnait toujours cette impression de cohabitation paisible et riche où se frôlent et s’influencent des cultures, religions et ethnies différentes.

Dans un entretien réalisé par Christelle Oscar, Marya Zarif raconte :

“A Dounia, comme à tous les migrants de ce monde, on a refusé le droit de grandir sur leur propre terre comme celui de circuler librement. Que leur reste-t-il, si ce n’est de trouver la force d’avancer malgré l’incertitude et de vivre dans le présent absolu ? Les enfants comme Dounia ont un grand rêve qui est ici un acquis : celui d’une maison pour y être humain, et d’un passeport pour être dans le monde. Des droits que la marche du monde et les jeux de pouvoir leurs refusent. “

 

L’atelier MicMac du petit Trianon, au delà des apparences

Appelée par l’équipe du Trianon à l’occasion du Festival du film franco-arabe, Marion Felix s’est déplacée ce samedi 26 novembre pour proposer à l’issue de la projection une petite activité manuelle aux enfants présent·e·s. Marion à l’habitude du jeune public puisqu’elle accueille chez elles aux lilas tous les mois des enfants et des ados pour les Ateliers MicMac.

Les fables et récits imaginaires dans Dounia et la Princesses d’Alep sont représentés par des animations en noir et blanc. Une manière de retranscrire le monde intime qui est source de courage pour Dounia et avec laquelle Marion s’est inspiré pour créer son atelier.

“J’ai repensé à une coutume dont j’ai entendu parler il y a très longtemps : en Amérique du Sud, les jeunes d’un village, avant de quitter le nid familial, peignent un coffre (qui servira à y mettre leurs affaires), avec à l’intérieur ce qu’ils sont profondément, et l’extérieur ce que l’on voit d’eux. Coutume dont je n’ai jamais retrouvé trace, mais qui est restée encrée profondément en moi.”

Devant elles et eux, les enfants disposent d’une panoplie de crayons en tout genre, mais également d’un petit carré bicolore au recto blanc et au verso noir. Comme pour le monde de Dounia et le coffre dont Marion nous parle, les enfants vont devoir créer un objet, une petite enveloppe, avec un intérieur blanc et coloré représentant ce que l’on voit d’eux, ce qu’il et elles décident de montrer publiquement, et un intérieur sur fond noir qui représente les secrets et les envies de chacun·e·s.

“J’aimerai que ça donne lieu à une discussion avec les parents, sur l’image que l’on projette, malgré soi ou à dessein, et sur notre moi plus intime, avec ses peurs, ses envies, ses secrets. Et que nous sommes constitués de ce tout.”

Cacheté à la cire avec grands soins à la fin de l’atelier, les dessins se transforment en véritables objets intimes et secrets que chacun et chacune a pu ramener chez soi comme des petits trésors. Marya Zarif aurait elle aussi apprécié cette activité. Elle explique que lorsqu’elle était plus jeune, elle passait l’essentiel de son temps à dessiner quelle que soit la surface et quelle que soit l’heure. Comme dans le film et l’atelier proposé, elle ne dessinait pas uniquement l’entité physique de son personnage mais également son caractère, ses manies, ses secrets et tous ses aspects que l’on ne voit pas aux premiers regards.

 

 

VISUEL : Affiche du film Dounia et la princesse d’Alep 

 

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