
“Charlotte a 17 ans”, comédie d’auteur aux mélanges brillants
Entre naturel et stylisation, cette comédie québécoise en noir et blanc réussit à se maintenir entre plusieurs tons, et à décrire ses personnages ados filles et garçons avec intelligence.
Charlotte a 17 ans est un film où l’utilisation de la musique est extraordinaire. Elle accompagne assez peu les scènes, où la parole et les dialogues tiennent le rôle essentiel. Mais elle frappe tout à coup, en certains moments, rythmant parfaitement le film avec ses sonorités planantes et dynamiques, et lui donnant un côté à la fois détendu et parfaitement carré et réfléchi sur le plan artistique. Telle apparaît, tout du long, cette production québécoise ambitieuse à sa façon, signée par Sophie Lorain.
Dans cette comédie féministe avec des personnages ados façon film d’auteur, au sein de laquelle règne la langue du Québec, le naturel et les qualités de réalisation cohabitent ainsi parfaitement. Les adolescentes filmées ont droit à des plans frontaux, réguliers, de leurs visages, destinés à définir leurs personnages et à donner à connaître leurs attentes et désirs vis-à-vis du sexe et des sentiments amoureux. La Charlotte du titre étant une ado qui demande juste à pouvoir vivre les histoires qu’elle veut, sans être jugée…
Ces personnages que le scénario suit apparaissent humains, et légèrement stylisés, de façon à ce qu’une cocasserie et une fantaisie légères puissent s’inviter et un tout petit peu décaler le récit. Récit dans lequel, de plus, tout n’est pas souligné à outrance, afin de laisser de l’espace aux sensations et aux sentiments. Du fait de ces espaces d’ouverture et de ces décalages, le microcosme décrit n’en apparaît que plus pertinemment et justement observé.
Amour, sexe, filles, garçons, réflexion
Le thème central du film est à chercher du côté des conflits souterrains entre le sexe et l’amour, des difficultés de compréhension – parfois purement personnelles – qui peuvent en résulter, et de la direction que chacun veut donner à ses histoires sexuelles ou amoureuses, sans être jugé (y compris par lui-même). Savoir et avoir exactement ce que l’on veut, quand on est une fille comme lorsqu’on est un garçon (même si la réalisatrice dit vouloir davantage s’intéresser aux dialogues des filles et se centre surtout, par choix, sur leurs histoires et difficultés rencontrées à elles), sans que cela devienne un problème ou une faute aux yeux du monde autour (ou à ses propres yeux) : un but pas simple à atteindre, pour tous les personnages montrés à l’écran. Le film apparaît leur donner à tous une place juste.
Vis-à-vis d’eux, le scénario prend des directions originales. Chacun remet ses règles en cause, et la vie change. Et le récit évoque ainsi beaucoup, en creux, le jugement que tout le monde exerce sur tout le monde.
Et ces personnages, qui ont droit à des scènes assez déjantées pour certains, apparaissent proches et justes : ils ont leurs obsessions (Che Guevara, pour l’une, entre autres), mais restent bien écrits, et baignants dans un délire très humain. Dans ce décor plein de ballons et de citrouilles d’Halloween, filmé en noir et blanc, la comédie décalée qui se joue apparaît très vraie, et interprétée par un casting uni par une énergie communicative (qu’il faudrait pouvoir citer en entier). Et le sérieux n’est pas en reste : il n’y a pas jusqu’à une simple blague (grave) dite dans une soirée, qui n’aboutisse à une situation à l’intensité dramatique forte.
Visuel : © Les Valseurs