
Cannes 2019, sélection officielle : “Le lac aux oies sauvages”, beau polar en clair-obscur
Diao Yi’nan signe un polar noir et désespéré, aux personnages attachants et au rythme implacable. La mise en scène magistrale et le superbe duo d’acteurs donnent toutes ses chances au film pour finir au palmarès.
Voici un film qui commence de manière anodine par la répartition des quartiers d’une ville chinoise entre les gangs pour le vol des motos. Lorsque s’ensuit une rixe qui va salement dégénérer et laisser quelques unes des petites frappes gisant dans la boue, la mécanique des petits trafics devient un jeu de massacre. Dans ce monde glauque, les caïds peuvent bien s’entre-tuer ; en revanche, qu’un flic tombe en victime collatérale et cela provoque une mobilisation générale et impressionnante, pour poursuivre et punir le petit voleur de motos qui, au passage, a failli se faire occire par l’un de ses congénères. Dès lors, lorsque l’empire du milieu dégaine la grosse artillerie pour écraser quelques moucherons nuisibles, cela laisse très peu de chances aux intéressés de s’en sortir autrement que les pieds devant.
Au milieu de ce déchaînement de violence, la première magie du film est d’y faire éclore l’histoire presque intimiste d’un homme dont tout le monde veut la peau, qui vaut une jolie rançon et qui va trouver sur son chemin une “baigneuse” du lac aux oies sauvages, avec qui il aurait presque pu avoir une histoire d’amour.
C’est la peinture d’un monde obscur, nocturne voire souterrain ; les hommes sont des brutes souvent pathétiques et les femmes n’ont d’autre choix que de fuir entre les balles perdues pour s’en sortir. L’atmosphère est moite, la saleté et le sang poisseux sont partout et on ne voit guère le soleil sauf voilé lorsque l’on aborde le monde étrange du lac.
Entre des scènes d’un réalisme cru émergent pourtant quelques oasis de poésie, le temps d’une petite balade apaisante sur le lac ou d’un ballet de policiers aux chaussures fluorescentes sur le Rasputin de Boney M.
Tout pitoyable qu’il soit, on se prend d’empathie pour le malheureux fuyard et pour sa compagne d’infortune et lorsqu’arrive l’épilogue, un rayon d’espoir se profile, celui qui peut permette à certaines de s’extirper de ce monde du dessous.
Si le scénario est simple et absolument rigoureux, l’histoire est portée par le duo magistral formé par Hu Ge et Gwei Lun-Mei.
Sous la couche de crasse et de sang, la lumière est magnifique, et la mise en scène virtuose de cet excellent polar glauque, mais qui nous happe pendant 1 h 50, donne de sérieuses chances au film de figurer au palmarès.
Visuel : ©Memento Films Distribution
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