
62 ème berlinale : A moi seule, Agathe Bonitzer et Reda Kateb dans un huis-clos mélancolique
Un huis-clos mélancolique et désenchanté, qui évoque inévitablement l’affaire Natascha Kampusch. Dans le rôle du ravisseur, Reda Kateb impressionne vivement.
L’ouverture du film nous montre une échappée belle : Gaëlle court à perdre haleine le long des petites routes mordorées d’Aquitaine. Derrière elle, son ravisseur frappé d’étonnement, incapable, cette fois, de la poursuivre. Derrière elle, les mauvais souvenirs ? Frédéric Videau s’attache avec minutie à décortiquer les relations, forcément décalées, que Gaëlle va tenter de renouer : avec sa mère (Noémy Lvovsky, vraiment bouleversante), avec son père (Jacques Bonnaffé, très belle apparition), avec un ancien camarade d’école, avec sa psychiatre, et surtout avec elle-même. Frénétiquement, Gaëlle change de couleur de cheveux. Mais, dans ses dialogues avec autrui, c’est toujours le même rapport de forces, implacable et triste, qui resurgit. Car, durant ses innombrables face à face avec Vincent (Reda Kateb, que l’on a récemment admiré dans la série Mafiosa et dont la présence est magnétique à souhait), Gaëlle a appris à négocier, à encaisser et, parfois, à gagner. Gagner quoi ? C’est toute la question de ce film mélancolique, où les belles choses perdues ne reviennent pas. Dans le regard profond et dur de Gaëlle (Agathe Bonitzer), les mécanismes de défense se dressent en un réflexe bien appris.
La tristesse qui imprègne le film (servi par la musique, faussement calme, de Florent Marchet) n’empêche pas un certain ennui de s’installer. Si le jeu des acteurs sonne plutôt juste, si les paysages apportent au film sa couleur, les situations d’affrontement s’enchaînent de manière un peu trop théorique. Le rapport de domination s’inverse, bascule, exactement aux moments où on l’attend. Où est la folie, où est la normalité, demande crânement Gaëlle, qui a appris à s’accommoder de la folie, du « taré » qui lui répète en boucle les mêmes promesses, qui lui raconte les mêmes histoires. Précisément, ce drame n’est-il pas, finalement, ce qui lui reste, à elle seule (dès lors qu’elle n’est plus à lui seul…)? Pour le spectateur, il reste quelques belles scènes tristes et brumeuses, mais l’émotion peine à nous gagner.
A moi seule, de Frédéric Videau, France, 91 minutes, avec Agathe Bonitzer, Reda Kateb, Hélène Fillières, Jacques Bonnaffé, Margot Couture, Grégory Gadebois, Noémie Lvovsky. En compétition.